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mars 2006 

Provocation raciste contre les jeunes de banlieue,
fer de lance d’une offensive capitaliste contre le droit au travail


Pas de nouveau front populaire – Ce qu’il faut :
Un Mai 68 qui va jusqu’au bout ! Révolution ouvrière !

Le tract de la Ligue pour la Quatrième Internationale reproduit ci-dessous a été distribué lors de la manifestation parisienne du 28 mars à laquelle ont participé près de 700 000 manifestants anti-CPE (quelque 3 millions dans tout le pays). Le 1er avril, le président français Jacques Chirac promulguait le CPE (« Contrat de première embauche »), tout en demandant aux patrons de ne pas l’appliquer dans l’attente qu’un nouveau projet de loi, modifiant les clauses les plus contestées, soit présenté prochainement à l’Assemblée nationale.

Ces grotesques louvoiements n’ont satisfait personne. A l’intérieur même du gouvernement, les tensions se sont encore exacerbées. Le premier ministre aristocratique Dominique de Villepin a menacé de tirer « toutes les conclusions nécessaires » si la loi était modifiée substantiellement. Son concurrent dans la course à la candidature de la droite pour les présidentielles de l’an prochain, le ministre de l’Intérieur, partisan déclaré de la « ligne dure », Nicolas Sarkozy, s’est fait le chantre du « dialogue ».... Dans le même temps, la mobilisation est loin d’avoir faibli et, le 4 avril, ce sont à nouveau 3 millions de personnes qui ont manifesté dans toute la France pour l’abrogation de la loi controversée et contre la précarité. Les jours suivants, il y a eu plusieurs dizaines de blocages de routes et de voies ferrées sur tout le territoire.

Finalement, le 10 avril, Chirac enterrait le CPE, remplacé par une loi sur « l’accès des jeunes à la vie active en entreprise ». Mais reste toujours en vigueur le « Contrat nouvelle embauche » (CNE), l’équivalent du CPE, dans les entreprises de moins de 20 salariés. Et reste toujours aussi en vigueur la loi dite d’« égalité des chances » (qui incluait le CPE), loi réactionnaire, raciste et répressive, votée suite à la révolte des banlieues de l’automne 2005, qui réinstaure le travail de nuit des adolescents de 15 ans, rabaisse l’âge de l’apprentissage, supprime certaines allocations familiales, etc. Les bureaucrates syndicaux ont crié victoire, alors que les coordinations d’étudiants et de jeunes ont préféré parler de « succès d'étape ». Le gouvernement a été obligé de reculer, mais les dirigeants réformistes du mouvement ouvrier ont vite abandonné la lutte pour chercher à la dévoyer dans une nouvelle alliance de collaboration de classes pour les élections de 2007.

Nombreux sont les jeunes, parmi les plus combatifs et les plus conscients, à avoir exprimé avec amertume et colère leur sentiment légitime d’avoir été trahis par « leurs » dirigeants - qu’il était possible d’aller « plus loin » contre cette société capitaliste qui génère précarité, chômage, misère, racisme, guerres. Il faut tirer les leçons de cette mobilisation afin de pouvoir mener les mobilisations de demain à la victoire. Et la première de ces leçons, c’est l’urgence à lutter pour la formation d’un véritable parti révolutionnaire, léniniste-trotskyste, se battant sur un programme qui conduira les combats des exploités et des opprimés à l’instauration d’un gouvernement ouvrier révolutionnaire.

25 mars – Comme il fallait s’y attendre, la réponse du gouvernement réactionnaire de Chirac-Villepin-Sarkozy à la révolte de la jeunesse issue de l’immigration en automne dernier a été de lancer une attaque contre tous les jeunes et le mouvement ouvrier dans son entier. Le « contrat de première embauche » (CPE), voté à la hussarde sans discussions par l’Assemblée nationale dans la nuit du 8 février et approuvé un mois plus tard comme faisant partie de la loi dite sur « l’égalité des chances », fournit aux patrons la possibilité de licencier facilement les travailleurs et travailleuses ayant moins de 26 ans pendant deux ans, sans avoir à fournir la moindre justification. Selon le plaidoyer du premier ministre, cela servirait à résoudre le problème du chômage des jeunes, qui atteint 23% à l’échelle nationale et dépasse 50% dans les cités de banlieue (d’après les chiffres officiels). Comme disait du chef de gouvernement un jeune contestataire dans la manif du 24 mars à Paris, « il prétend faire du social pour les jeunes des banlieues, mais en fait il sert la soupe aux employeurs. »

La logique capitaliste est aussi perverse que toute simple : pour encourager l’embauche, il faut rendre plus faciles les licenciements quand le cycle des affaires s’oriente à la baisse. Evidemment, le même argument pourrait être utilisé pour éliminer toute protection de la sécurité du travail, pour les plus âgés au même titre que pour les jeunes. C’est précisément ce que veulent faire les patrons du Medef quand ils exigent, comme ils l’ont fait pendant longtemps, de « flexibiliser » les contrats de travail. C’est là le vrai but de la nouvelle Loi Villepin. Et c’est pour cela que l’opposition au CPE, et à son conjoint, le CNE (contrat nouvelles embauches, qui permet le licenciement sans justification pour des entreprises avec moins de 20 salariés) ne peut se limiter à rétablir le statu quo, à chasser le premier ministre ou même à renverser le gouvernement. La classe ouvrière dans sa totalité est dans le collimateur d’une offensive du capital de portée mondiale, et donc la réponse doit être une contre-offensive des exploités et opprimés contre le système capitaliste.

Pour réaliser cela, il faut faire la jonction, dans la lutte, des étudiants et lycéens des grandes villes, des travailleurs des secteurs public et privé, avec la jeunesse d’origine maghrébine et africaine qui habite les cités désolées, soumises à une incessante répression policière. De Villepin, Sarkozy et Chirac le savent parfaitement et essaient assidûment de jouer les uns contre les autres. Aux jeunes de banlieue, ils chuchotent que les étudiants et lycéens qui manifestent contre le CPE ne veulent que préserver leurs « privilèges » et éviter que les jeunes issus de l’immigration obtiennent des emplois. Le gouvernement provoque consciemment la violence aveugle qui naît du désespoir, pour étiqueter de « casseurs » les manifestants. Ce sont les injures proférées par tous les contre-révolutionnaires : comme de Gaulle en 1968, qui parlait de « chienlit » lors des mobilisations étudiantes, ou les partisans de l’Ancien Régime en 1789, pour lesquels la foule révolutionnaire était la « canaille ». Sarkozy appelle les jeunes révoltés de banlieue des « voyous » et de la « racaille », mais les vrais voyous et casseurs siègent à l’Élysée, à Matignon et Place Beauvau.

Il faut rejeter énergiquement tous ces appels et tentatives de la bourgeoisie de stigmatiser ceux qui luttent contre sa domination. Il faut que les militants les plus conscients de la « génération précaire », des soixante-huitards plus âgés, des syndicalistes combatifs et les habitants des banlieues qui « ont la haine » de ce système de racisme, de pauvreté et de guerres se retrouvent sur la base d’un programme de lutte de classe et sous une direction vraiment communiste pour préparer la révolution ouvrière.

L’insistance de De Villepin sur le CPE n’est pas un « entêtement incompréhensible », comme ne l’était non plus la proclamation de l’état d’urgence par le président Chirac lors de la révolte de la jeunesse des banlieues en novembre dernier, ni le brutal couvre-feu imposé par le ministre de l’Intérieur Sarkozy qui transformait les HLM des cités autour de Paris, Lyon et Toulouse en camps de concentration. Le syndicaliste de SUD-PTT tabassé et piétiné par les CRS assassins place de la Nation, et qui, aujourd’hui dans le coma, se bat entre la vie et la mort, n’est pas la victime d’une « bavure », comme disent à l’unisson les médias bourgeois. C’est que le gouvernement, ce conseil d’administration des affaires de la classe dirigeante, a déclaré la guerre aux « immigrés », aux jeunes, aux travailleurs. Et pour le vaincre dans cette guerre de classe, il faut mobiliser une force supérieure, celle de la classe ouvrière, et pas seulement dans des parades « bon enfant » pour fêter le printemps.

Un programme de transition qui mène à la lutte pour le pouvoir

Cette mobilisation doit se faire pour des objectifs transitoires qui mènent des luttes actuelles vers la prise du pouvoir par les travailleurs. Alors que la grande majorité des formations « de gauche » appellent tout simplement au retrait de la loi sur l’« égalité des chances », le statu quo actuel ne donne rien aux millions de jeunes condamnés au chômage à long terme par le capitalisme. On a déjà fait l’expérience d’innombrables « réformes » qui promettaient de donner des emplois à ceux qui n’en trouvaient pas, mais sans résultat. Les lois pour le plein emploi sont restées lettre morte dans les périodes de récession. D’autres, comme la Loi Aubry sur la semaine de travail de 35 heures, ont même été utilisées par les patrons pour « restructurer » leur force de travail et se débarrasser des salariés. Il ne suffit pas de parler d’un mouvement « anticapitaliste », il faut aller plus loin dans la lutte pour des emplois et contre l’exclusion raciste et s’attaquer directement au système de production pour le profit.

Cortège des routiers de la CFDT dans la manif du 28 mars à Paris contre la loi de première embauche.
(Photo : L'Internationaliste).

Dans le Programme de Transition, Léon Trotsky insistait parmi ses mots d’ordre principaux sur celui de l’échelle mobile des heures de travail pour fournir des emplois pour tous. C’est là le principe de l’économie socialiste planifiée qui répartit le travail disponible entre tous ceux qui en cherchent. L’échelle mobile des heures de travail doit être accompagnée par l’action ouvrière pour stopper les licenciements de masse, comme ceux qui menacent actuellement des dizaines de milliers de travailleurs de Renault ou de France Télécom. Faire grève seulement dans les boîtes affectées n’aura pas beaucoup d’impact, il faut la mener au niveau de toute la branche ou de l’économie nationale et même européenne. En même temps, pour éviter les abus patronaux, inévitables avec n’importe quel plan pour les emplois jeunes dans le cadre actuel, il faut lutter pour le contrôle ouvrier sur l’embauche. Impossible ? Il a déjà existé dans les imprimeries, avec la Fédération du Livre CGT. Ce qui est vrai cependant, c’est qu’on ne peut pas atteindre de tels objectifs grâce à l’État (capitaliste), qu’il faut les arracher aux patrons par l’action du mouvement ouvrier, et que ces mesures pointent nécessairement en direction de la révolution ouvrière.

Cependant, pour combattre les discriminations racistes dont souffrent notamment les jeunes des banlieues, il ne suffit pas de lutter pour des revendications communes à tous. Alors que des éléments de la droite patronale parlent parfois de « discrimination positive » contre l’exclusion, ils le font pour diviser les travailleurs. Mais le rejet de toute mesure spéciale contre la discrimination ethnique relève de l’aveuglement républicain envers le racisme. C’est pourquoi nous luttons pour des programmes syndicaux de formation et d’embauche pour les couches de jeunes historiquement discriminés et déshérités. Cela peut être bien concret : des usines de Citroën et Renault, des ateliers de la SNCF, l’aéroport de Roissy et d’autres grandes entreprises côtoient les villes, par exemple dans le département de Seine-Saint-Denis, qui ont connu des émeutes en automne de l’année dernière. Une lutte acharnée des travailleurs de ces secteurs pour attirer des jeunes des cités voisines, pour leur donner une formation professionnelle et les embaucher avec des CDI, et pas de simples CDD sans perspective, portera en avant le combat contre le racisme et favorisera la préparation d’une lutte d’ensemble de la classe ouvrière contre le capital.

La lutte contre le racisme a beaucoup à faire aussi avec la division entre le secteur public et le secteur privé qui affecte énormément le mouvement ouvrier français. La faiblesse du syndicalisme dans le privé est directement liée au fait qu’il y a là des millions de travailleurs immigrés qui constituent un secteur stratégique du prolétariat et qui n’ont pas les mêmes droits que leurs camarades de nationalité française. Ce fait a influé beaucoup dans la défaite d’importantes luttes du passé, dans le secteur automobile et ailleurs, résultat aussi de l’abandon de ces couches de travailleurs par la bureaucratie syndicale avec sa mentalité d’aristocratie ouvrière. C’est d’autant plus le cas pour les centaines de milliers d’immigrés sans-papiers qui sont obligés de travailler au noir. Et pourtant, ils représentent une partie importante de la force de travail dont dépendent les capitalistes pour fournir de la main-d’œuvre nécessaire à leur système de production. Alors, la revendication de pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés, qu’ils soient en situation régulière ou sans-papiers, établira la base pour une lutte unissant toute la classe ouvrière contre leur ennemi commun et redonnera au mouvement syndical un élan qu’il a perdu depuis des décennies.

Ce n’est pas la première fois qu’il y a eu un conflit d’envergure sur un programme qui prétend apporter une solution au chômage de la jeunesse. On se souvient de la bataille en 1994 autour du SMIC-jeune, le « contrat d’insertion professionnelle », d’Edouard Balladur qui fut obligé de le retirer après son approbation par l’Assemblée nationale grâce aux mobilisations des jeunes et des syndicats. Néanmoins, dans la lutte actuelle contre le CPE, face à la détermination du gouvernement et du patronat, il est peu probable qu’on gagnera grâce à quelques grandes manifestations. La logique de la lutte pousse vers une grève générale, pas le jour férié avec manif qui est le sens donné à cette tactique par la bureaucratie syndicale pro-capitaliste, mais une vraie épreuve de force entre le prolétariat et la bourgeoisie pour déterminer qui est le maître dans la maison. Or, jusqu’à maintenant, il n’y a pas de grèves. Pour avancer dans cette voie, il faut déclencher des mouvements de grève dans des secteurs liés au combat sur le CPE, à commencer par l’éducation nationale et les entreprises affectées par l’offensive de privatisation du gouvernement.

Les profs ont eu une forte présence dans les mobilisations récentes, mais comme c’était le cas dans la lutte des lycéens de l’année dernière, alors qu’actuellement la majorité des universités ainsi que beaucoup de lycées sont en grève ou « perturbées », les enseignants n’ont toujours pas débrayé eux-mêmes. Il faut le faire, il faut lutter dans les syndicats (FSU, SNESup et ailleurs) pour une grève de l’éducation nationale, même si cela commence avec des débrayages dans des secteurs « chauds », comme c’est toujours le cas, par exemple, dans le 93. Les travailleurs de Gaz de France et Suez, dont les postes de travail sont menacés à cause de la fusion annoncée par le gouvernement au nom du « patriotisme économique », ont déjà fait le lien entre leur lutte et celle des jeunes. Mais il faut passer à l’action, ce qui exige une lutte contre la bureaucratie qui préfère, et de beaucoup, les pourparlers en tête-à-tête dans les cabinets ministériels aux durs combats dans les entreprises. Mais l’enjeu est surtout politique dans cette bataille contre le CPE.

Pas de nouveau front populaire – révolution ouvrière !

Les réformistes s’orientent vers la constitution d’un nouveau « front populaire », alliance de collaboration de classes avec la bourgeoisie, qu’elle s’appelle Union de la gauche, gauche plurielle ou autrement, pour enchaîner les travailleurs à leur ennemi de classe. Bien sûr, ils ont leurs différends. Le Parti communiste, dans une réunion de famille des formations de gauche tenue à la Mutualité le 8 février, cherche un rassemblement qui va jusqu’au Parti socialiste et aux Radicaux de gauche. Cela veut dire dépasser (ou plutôt ignorer) des différends majeurs, comme le référendum sur la Constitution européenne du 29 mai 2005 quand la direction du PS a voté « oui » et le reste de la gauche, y compris sa propre base électorale, a dit « non ». La Ligue communiste révolutionnaire, par contre, veut « un rassemblement antilibéral et anticapitaliste » (lettre au PCF, publiée dans Rouge du 16 mars), à l’exclusion du PS. Mais prétendre qu’une alliance politique avec le PCF, le PRG et le MDC de Chevènement serait « anticapitaliste » est du pur mensonge. Sous une forme ou une autre, c’est le fléau du front populaire, dont le but est d’empêcher l’action indépendante de la classe ouvrière et de l’obliger à respecter les limites et les règles du capitalisme.

Pour la LCR, il faut « battre ce gouvernement », parce que « ce pouvoir est illégitime » (Rouge, 23 mars). C’est maintenant qu’Alain Krivine et ses camarades découvrent l’illégitimité du régime, alors qu’en 2002 la LCR avait encouragé à voter Chirac au deuxième tour des présidentielles, au nom de battre Le Pen – comme l’a fait aussi la grande majorité de la gauche, soit ouvertement soit avec un clin d’œil bienveillant. Pour la LCR, ce n’était pas une nouveauté totale – elle avait déjà donné son aval à la politique extérieure chiraquienne pendant la guerre contre la Serbie en 1999, quand elle appelait les impérialistes européens à veiller aux droits de l’homme en Yougoslavie. Maintenant, le gouvernement que Krivine et Cie ont aidé à mettre au pouvoir, et pour lequel ils ont donc leur part de responsabilité, s’attaque aux jeunes.

Si la LCR pseudo-trotskyste veut la répétition du bloc du « non », d’autres formations qui se réclament du trotskysme cherchent refuge dans un économisme réformiste. Lutte Ouvrière exige le retrait du CPE-CNE en tant que lois qui aggravent la précarité du travail. Sa solution : « La seule façon de faire reculer vraiment le chômage, c'est d’interdire les licenciements et de contraindre les grandes entreprises à consacrer leurs profits au financement du maintien des emplois, plutôt qu'à les distribuer aux actionnaires » (éditorial d’Arlette Laguiller, dans Lutte Ouvrière, 24 février). Avec quelle armée, est-on tenté de demander, est-ce que LO pense obliger l’État à « interdire » les licenciements et les capitalistes à financer des emplois au lieu des profits ? Derrière cette revendication est la dangereuse illusion sociale-démocrate de la « neutralité » de l’État bourgeois alors qu’en réalité c’est le poing armé de la classe dominante. Pire encore, pendant la révolte de la jeunesse des banlieues l’année dernière, LO a condamné à plusieurs reprises « la violence » en général, usait du langage de Sarkozy sur les « voyous » et exprimait sa sollicitude pour les policiers en activité dans la banlieue :

« La violence au quotidien dans ces quartiers est peut-être le fait de voyous ou de trafiquants. Mais des voyous, il y en a toujours eu, pourquoi trouvent-ils aujourd'hui le soutien d'une bonne partie des jeunes? Pourquoi les explosions de violence entraînent-elles contre la police bien plus de jeunes que ces petits caïds de quartier? »

–« Banlieues : Les vrais responsables de la violence », Lutte Ouvrière, 4 novembre 2005

Quelle honte ! Même si LO dit que la responsabilité finale revient au gouvernement, c’est jouer le jeu de la réaction raciste, comme LO l’a fait dans le passé envers les fascistes du Front national de Le Pen, envers les flics qu’elle considère abusivement comme faisant partie de la classe ouvrière et avec son appui à la loi raciste d’exclusion contre le foulard.

Les mobilisations actuelles contre le CPE ont pris le relais de la révolte des banlieues soumises à la ségrégation raciste et sociale, en octobre-novembre 2005. Si celle-ci est restée isolée, c’est surtout la responsabilité de la gauche réformiste, qui n’a pas levé le petit doigt pour aller au secours des jeunes dans les cités assiégées par les flics de Sarkozy. Quand le gouvernement attisait une hystérie xénophobe et raciste sur une invasion des jeunes « arabes » et noirs sur les Champs-Elysées, la LCR, LO et le reste de l’« extrême gauche » d’antan ont préféré faire de petites manifestations tardives aux Tuileries ou au Quartier latin au lieu d’intervenir dans les syndicats pour manifester en direction des HLM et libérer les habitants encerclés par la police. Quant aux maires et élus du PCF et du PS dans l’ancienne « ceinture rouge » autour de Paris, ils ont appelé des renforts policiers en même temps qu’ils critiquaient l’état d’urgence chiraquien pour être inutile. Aucune formation de gauche, à notre connaissance, n’a lancé pendant la révolte le mot d’ordre élémentaire de flics hors des cités ! C’est aussi le cas de la Ligue trotskyste de France (LTF), centriste de gauche, qui, par ailleurs, avait les mots d’ordre corrects de « Troupes françaises hors d’Afrique » et « Flics hors des syndicats ». La LTF n’a pas appelé non plus à des mobilisations ouvrières en défense de la population de banlieue ni à des mesures syndicales pour combattre l’exclusion raciste des jeunes d’origine immigrée du travail.

On va vers un clash frontal entre les travailleurs et la bourgeoisie, à moins que Chirac et les députés de la « majorité présidentielle » décident de se débarrasser du premier ministre non élu, ce napoléonien ambitieux, et de retirer le CPE pour sauver leur propre peau dans le prochain contentieux électoral. La présence dans la rue de centaines de milliers de jeunes et de salariés est un atout important pour la résistance aux attaques gouvernementales. De Villepin joue ouvertement le pourrissement, mais sans succès. Jusqu’à présent, ses propos guerriers n’ont pas réussi à ébranler le mouvement ni à affaiblir les mobilisations. Pourtant, les bureaucrates syndicaux sont toujours prêts à saisir les offres de « dialogue », et on les a déjà vu fléchir devant l’invitation d’aller rejoindre le premier ministre à l’Hôtel Matignon. Ces lieutenants ouvriers de la bourgeoisie, dont la fonction est de graisser les rouages de la machinerie de l’État bourgeois, ont peur des conflits entre les classes et haïssent la révolution « comme la peste ».

Alors que les journaux insistent sur le fait que ce n’est pas un « nouveau 68 », que la lutte des jeunes est surtout défensive pour le moment, il est évident que seule une issue révolutionnaire, « un Mai 68 qui va jusqu’au bout », peut arracher le droit au travail pour tous et balayer le racisme, inhérent au capitalisme. Même s’ils ont refusé de prononcer les mots, les hauts dirigeants confédéraux de la CGT, de FO et de la CFDT sont conscients, comme l’est le gouvernement aussi, qu’on se dirige vers un affrontement de classe général. Ils l’ont évité à peine en 1995, lors de la bataille sur la « réforme » des retraites d’Alain Juppé (quand de Villepin, comme secrétaire général de l’Elysée, aurait exhorté le premier ministre à « ne pas flancher devant la rue »), en sacrifiant la lutte à la perspective d’un prochain gouvernement de front populaire sous la houlette de Lionel Jospin. Ils essaient de faire la même chose aujourd’hui. C’est ainsi que pour mener à bien cette bataille de classe, il faut avant tout lutter pour une politique et une direction révolutionnaires, qui rejette la collaboration de classes et le front-populisme par principe, et qui se pose la tâche de forger un parti ouvrier révolutionnaire et internationaliste, léniniste-trotskyste, pour diriger la lutte pour la révolution socialiste internationale. C’est là le programme de la Ligue pour la Quatrième Internationale.  n


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