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avril 2004  

Présidentielles truquées
et résistance ouvrière à l’offensive capitaliste

Algérie : Contre tous les clans bourgeois – forger un parti ouvrier révolutionnaire !

Répression policière le jour du scrutin, 8 avril 2004.  
Les flics algérois répriment un rassemblement d’opposition la nuit
des élections, le 8 avril.
(Photo: Le Matin)

IV. Il faut forger un parti trotskyste authentique

11 AVRIL – Après les élections et l’annonce de la victoire de Abdelaziz Bouteflika – avec 83,49 ( !) pour cent de voix selon les chiffres officiels – vient la consternation. Dans les rues d’Alger, une tentative de rassemblement de protestation contre ces résultats hautement douteux est violemment dissolue par des policiers anti-émeutes. La matraque répond ainsi aux cris de « fraude ». Alors que les USA, la France et l’OTAN félicitent le président et le « Bouteflika II » se dessine, la réponse de l’opposition bourgeoise est un appel impuissant à continuer la « lutte démocratique ». C’est la même chose pour les réformistes pseudo-socialistes. Mais après trois ans de crise, c’est d’autant plus évident que pour les exploités et opprimés lutter sur le terrain de la politique capitaliste ne mène qu’à l’impasse. Il est plus urgent que jamais de commencer la formation d’un vrai parti bolchevique de l’avant-garde du prolétariat qui cherche à rallier tous ceux qui luttent pour la cause de la libération des opprimés autour d’un programme de révolution permanente. Au nationalisme petit-bourgeois de la gauche opportuniste, il oppose l’internationalisme prolétarien, luttant pour révolution ouvrière qui s’étendra à travers le Maghreb et jusqu’au cœur des métropoles impérialistes. 

Ce combat doit se mener au niveau programmatique et par l’intervention dans les luttes des travailleurs, qui ont montré une combativité considérable, même qu’ils manquent une direction révolutionnaire à la hauteur des taches. A l’intérieur de l’UGTA, le PST (Parti Socialiste des Travailleurs) agi en valet « de gauche » des courants bourgeois dominants (principalement le FLN et le RND). Nous avons déjà fait remarquer comme le PST avait trouvé sa niche dans la centrale officielle, après que Soumia Salhi était nommé à la commission nationale exécutive. En retour, cette porte-parole du PST répandait des illusions sur la possibilité d’une évolution à « gauche » de l’UGTA. Aujourd’hui, le PST prétend que « seule notre mobilisation vigilante pourrait empêcher la reprise des projets antisociaux après les présidentielles » (El Khatwa, novembre 2003).

En fait, l’UGTA soutenait la candidature de Bouteflika dans les élections, et la mobilisation « vigilante » du PST ne sert que de confondre les travailleurs sur la possibilité de réformer cet appareil d’Etat. Il est remarquable qu’au même temps que des syndicats autonomes comme le CLA et le CNAPEST dans le secteur de l’éducation, où les supporters du PST jouent un rôle dirigeant, sont le cible des attaques de l’UGTA comme fer de lance du gouvernement, leurs confrères participent dans la direction de la centrale. Rien de surprenant, pourtant, parce que les postures contradictoires sont dans la nature même de l’opportunisme, dont la politique suiviste l’oblige à s’adapter à diverses forces anti-prolétariennes. Rien d’original, non plus, pour ce courant pseudo-trotskyste. Dans les années 70, même sous le régime de parti unique du FLN, le Groupe communiste révolutionnaire (GCR, prédécesseur du PST) prétendait que l’UGTA pourrait se donner une direction « lutte de classe ». Auparavant, le Secrétariat Internationale de Michel Pablo (prédécesseur du Secrétariat Unifié avec lequel le PST sympathise) appuyait Ben Bella et prétendait que son gouvernement bourgeois avec ses prétentions d’un « socialisme » arabo-islamique était un « gouvernement ouvrier et paysan ».

Actuellement, divers analystes bourgeois voient dans l’UGTA une structure dépassée. Ils parlent du « pluralisme syndicale », reprenant ainsi la terminologie de l’Organisation Internationale du Travail, agence de l’ONU qui a servi historiquement comme bélier de l’impérialisme contre les pays du bloc soviétique. Parlant des « syndicats libres », il visait à installer le capitalisme de « libre marché ». Nous, trotskystes, par contre, défendons les conquêtes de la classe ouvrière, y compris les Etats ouvriers déformés restants (la Chine, Corée du Nord, Vietnam et Cuba), contre l’impérialisme et contre les bureaucraties staliniens eux-mêmes, qui ouvrent la porte à la contre-révolution. Des analystes libérales fustigent la « surpolitisation » de l’UGTA (lire, « Le syndicalisme entre surpolitisation et désire d’autonomie » par Abdenasser Djabi, sur le site d’Algeria Interface) alors que c’est la politique bourgeoise et le caractère étatique de celle-ci qui nuit aux travailleurs. Les trotskystes lutte, non pas pour un « pluralisme syndicale » qui pourra être utilisé au service des privatiseurs, mais pour une direction révolutionnaire des syndicats et l’unité ouvrière contre le capital.

Le générale Lamari et Bouteflika, mars 2004 Le visage du Pouvoir meurtrier :  le général Mohammed Lamari avec le président Abdelaziz Bouteflika en mars.

A l’heure où la classe ouvrière algérienne commence à relever la tête pour faire face aux conséquences désastreuses du pourrissement du capitalisme – l’application des plans d’austérité du FMI, l’accélération du démantèlement du secteur publique, liquidations d’entreprises, etc – il est plus que jamais nécessaire de mettre en avant le principe de l’indépendance complète et inconditionnelle des syndicats vis-à-vis de l’Etat. Comme l’expliquait Trotsky dans son texte inachevé, « Les syndicats á l’époque de la décadence impérialiste » (1940), il faut une « lutte pour transformer les syndicats en organes des masses exploitées et non en organes d’une aristocratie ouvrière ». « Les syndicats de notre époque», a-t-il écrit, « peuvent ou bien servir comme instruments secondaires du capitalisme impérialiste pour subordonner et discipliner les travailleurs et empêcher la révolution, ou bien au contraire devenir les instruments du mouvement révolutionnaire du prolétariat. »

Ce n’est seulement une constatation historique ou un principe abstrait. Les organisations syndicales « autonomes » qui ont surgi en Algérie agissent uniquement comme réponse de circonstance à l’obstacle UGTA. D’autant plus que des directions comme celle du SNAPAP demandent de subsides étatiques et seront ainsi enchaînées à leur tour à l’Etat bourgeois. D’autres courants comme le PADS (Parti algérien pour la démocratie et le socialisme, anciens staliniens pro Moscou) ont laissé tomber leur soutien inconditionnel à l’UGTA pour se déclarer désormais agnostiques : « Si des travailleurs, enseignants ou non, ne veulent pas de l’UGTA et rejettent l’action de la direction centrale, c’est leur droit le plus strict », on peut lire dans leur organe de l’émigration Le Lien (n° 77 [novembre 2003]) sur la grève des enseignants. Mais la question de l’indépendance de l’Etat bourgeois n’est pas une question de circonstance ou tactique, c’est un principe politique de fond et pas simplement organisationnel. Comme le soulignait Trotsky,  « À l’époque de l’impérialisme décadent, les syndicats ne peuvent être réellement indépendants que dans la mesure où ils sont consciemment dans l’action des organes de la révolution prolétarienne. »

Dans l’Algérie, outre le PST c’est le PT (Parti des Travailleurs) de Louisa Hanoune qui est identifié dans la presse comme trotskyste. Le PT lui-même est assez réticent quant aux références à Trotsky, et pour raison, parce que leur politique réformiste n’a rien à voir avec le trotskysme révolutionnaire. Alors que le PST se baigne habituellement dans les eaux du mouvement berbériste, le PT se présente comme des nationalistes algériens. Il fait ainsi le jeu du Pouvoir qui a assassiné centaines de militants de gauche, et prône l’entente avec les meurtriers islamistes, dont les ciblés privilégiés sont les femmes non voilées, les syndicalistes et les militants de gauche. Dans la campagne électorale, Hanoune parlait de l’abrogation de la Code de la famille, de l’officialisation du tamazight et du refus à rejoindre l’OMC, mais l’axe de sa campagne était créer la « harmonie … qui mettrait fin à toutes sortes de séparatismes fondés sur les différences de langue, appartenance régionale » – c’est la « réconciliation nationale » de Bouteflika dont elle parle, celle qui inclut les intégristes musulmans et réprime les kabyles.

Après l’élection, dans laquelle l’électorat de son parti a baissé à 118 000 voix, moins de la moitié de son score dans les législatives de 2002, Hanoune dit que « le peuple a voté utile », « contre le régionalisme et le tribalisme », qu’ils on montré leur attachement à «l’unité et à la fraternité, à la République une et indivisible», et qu’elle n’a aucune évidence de la fraude en grande échelle. Ce n’est pas au hasard, alors, que Bouteflika aurait écrit une lettre d’éloge a Hanoune, l’assurant de son « admiration » pour ses qualités personnelles d’«élégance et de distinction, d’engagement et d’éloquence », louant sa « campagne électorale propre et digne », la félicitant de devenir « un symbole encourageant » pour les femmes pour être « la première algérienne à postuler pour la magistrature suprême », et voulant le « remercier car vous faites honneur à tous les Algériens soucieux de l’avenir de leur pays » (La Tribune, 10 avril). Hanoune exprime son appréciation pour les compliments du chef de l’Etat, dont elle et son parti sont évidemment des appendices loyaux.

Louisa Hanoune à Bouira, le 21 mars 2004 Louisa Hanoune la réconciliatrice (avec les islamistes), candidate du Parti des Travailleurs, parle à Bouira, le 21 mars. (Photo : Le Matin)

Quant au PST, il « se démarque des cinq candidats libéraux », mais « ne met pas sur le même plan la candidature de Louisa dont les déclarations démocratiques et anti-libérales éloquentes sont sincères quoique inconséquentes ». « Nous aurions aimé appeler à voter » pour elle, disent-ils, mais « sa campagne d’unité nationale frisant le chauvinisme, sa complaisance vis à vis de l’autoritarisme de Bouteflika-Zerhouni, sa distance vis-à-vis des explosions désespérées de la jeunesse et son attitude mitigée par rapport aux luttes sociales nous obligent à rappeler ces divergences » (motion de la direction du PST à propos des présidentielles, 26 mars). Tout cela est vrai, bien sûr. Pourtant, le PST critique amicalement à « Louisa » non pas parce qu’elle ne trace pas une ligne de classe contre le régime bourgeois mais tout simplement parce qu’elle n’attaque pas le gouvernement. En vérité, les pablistes du PST côtoient Hanoune parce qu’ils veulent suivre les masses qui suivent à elle. La recette propre du PST – « une mobilisation populaire consciente et organisée qui permettra la reconquête des espaces démocratiques perdus » – se place sur le même plan démocratique bourgeoise que le PT.

Dans la France, parmi les courants se réclamant du trotskysme, Lutte ouvrière (LO) se contente (comme d’habitude) de rapporter quelques « faits divers » sur les grèves en Algérie sans trop chercher à donner une ligne politique aux travailleurs hors de la Hexagone. Cela en dépit des liens évidents entre la lutte de classe en Algérie et en France et le rôle clé que les travailleurs immigrés  – en particulier les algériens – jouent en France. Au même temps, LO se joint à la campagne chauvine de répression étatique contre les étudiantes maghrébines qui portent le foulard. Les trotskystes authentiques s’opposent à l’usage du hidjab et de la voile islamiques, qui en plus d’être des insignes de l’obscurantisme religieux représentent la servitude de la femme. Pendant les années 90, le refus de milliers de femmes algériennes de porter le foulard était (et l’est encore) un acte courageux de résistance contre l’oppression. Il faut aussi défendre les jeunes femmes dans les cités et quartiers de banlieue en France qui ont été harcelées, persécutées et dans au moins un cas, brûlée vive (à Vitry-sur-Seine) pour leur défi aux autorités et aux usages rétrogrades musulmanes. Mais dans le contexte français, les exclusions des écoles publiques et maintenant les sanctions légales contre les jeunes filles portant le foulard ont un caractère de ségrégation forcément anti-immigré. Les défenseurs « socialistes » de cette campagne d’exclusion raciste comme LO doivent être condamnés sans ambiguïté comme des sociaux-chauvins.

La fraction minoritaire de LO (qui fait appel, elle aussi, à l’Etat bourgeois raciste pour « combattre » les intégristes islamiques) publiait l’année dernière un article dans lequel elle affirmaient que « La seule force qui pourra donner un coup d'arrêt à cette régression sociale programmée est la classe ouvrière » au même temps qu’elle caractérisait à l’UGTA comme un « rempart contre le mécontentement populaire » (Convergences révolutionnaires, n° 27 mai-juin 2003). Mais sa conclusion – « il faut une organisation représentant les travailleurs, indépendante du pouvoir comme de toutes les fractions de la classe dirigeante », organisation qui « reste à construire » – veut dire quoi, précisément ? Parti ouvrier révolutionnaire, parti centriste, fédération syndicale « autonome » ou même une UGTA réformée plus à « gauche » ? Elle ne nous le dit pas. De toute façon, Convergences révolutionnaires se garde bien de critiquer l’intégration du PST dans la bureaucratie de l’UGTA. Comme son nom indique, cette minorité tient à l’unité de tous les pseudo-trotskystes !

Le cas des centristes de la Ligue communiste internationale (LCI) et sa filiale française, la Ligue Trotskyste de France (LTF), est plus bizarre. Dans notre article dans L’Internationaliste du juin 2001 nous avons souligné que à l’époque du parti unique « l’UGTA était un appareil corporatiste, une courroie de transmission du parti unique bourgeois », et qu’ « à la suite de la décomposition et défenestration du FLN, cette relation étroite s’est distendue ». Avec un mélange de malhonnêteté et stupidité que lui vient de caractériser, la LCI/LTF prétende qu’ainsi la LQI « fait passer l’UGTA pour meilleure qu’elle n’est », au même temps que son article nous cite ensuite : « Aujourd’hui la direction de la centrale syndicale a tissé des liens avec plusieurs partis bourgeois, principalement le RND, le FLN et le RCD. » Quelle capitulation devant l’UGTA, alors ? De nos appels pour la formation de comités de grève, conseils ouvriers, milices ouvrières, nôtre critique au PST pour répandre des illusions dans la bureaucratie, pas un mot. « Et l’UGTA, est-elle ou a-t-elle été aussi un ‘instrument direct de l’Etat bourgeois’ ? » demande la LCI rhétoriquement (Le Bolchévik n° 157, automne 2001). Nous avons expliqué en détail qu’elle en est et a été. Mais il faut plutôt renvoyer la question – qu’en pense la LCI ? Dans son article la LCI évite soigneusement toute caractérisation de l’UGTA en tant que telle, parlant uniquement de sa « direction corporatiste ».

En réalité, la LCI prétend que les appareils corporatistes, au Mexique comme en Algérie, pourraient être transformées en organes de lutte prolétarienne. Cette position cynique, qui au fond renonce la lutte contre l’embrigadement des travailleurs par l’Etat bourgeois, a été adoptée après sa fuite honteuse devant le combat des ouvriers révolutionnaires à Volta Redonda, Brésil pour chasser les flics de leur syndicat municipal en 1996. Pour justifier sa désertion de la lutte de classe, la LCI répète ensuite les mensonges émanant du front populaire qui attaquait aux trotskystes brésiliens en justice (neuf fois !), envoyait ses policiers armés de fusils pour fermer leurs assemblées syndicales, ordonnait la confiscation de leurs tractes et demandait les noms de leurs membres. L’abandon par la LCI de ses camarades fraternels – qui ont formé plus tard la section brésilienne de la Ligue pour la Quatrième Internationale – n’est qu’un aspect de son abandon de toute perspective concrète pour les pays coloniaux et semi-coloniaux. Au même temps ils ont abandonné une perspective « iskriste » de construire le noyau d’un parti trotskyste algérien, comme Lénine et les bolcheviques l’ont fait avec la publication de leur organe Iskra [L’Etincelle] dans l’exile). Plus récemment encore, la LCI refuse d’appeler à la défaite des impérialistes dans la guerre contre l’Irak.

La Ligue pour la Quatrième Internationale insiste sur la nécessité de mener toute lutte des exploités et opprimés dans vers le but de la révolution socialiste internationale. Même si nous ne rejetons pas de faire du travail à l’intérieur de l’UGTA (par exemple dans les zones industrielles, où elle prédomine toujours), il faut le faire avec le perspective de se débarrasser de ce carcan de contrôle étatique. Pour combattre les projets de privatisation de Bouteflika et ses patrons impérialistes, au lieu de se plaindre de la présence de tel ou tel ministre, il faut mobiliser la puissance ouvrière dans la rue et dans les usines. S’ils essaient de vendre la SNVI à Rouiba, comme a été déjà menacée, l’UGTA fera pression aux travailleurs pour accepter cette attaque à leurs droits et leurs emplois, comme elle l’a fait aux sidérurgistes de El Hadjar à Skikda. Dans cette situation, les ouvriers devraient former des comités de contrôle ouvrier pour occuper l’usine et étendre la lutte aux autres secteurs liés.

La lutte contre le régime ne peut pas se limiter aux conflits industriels ou de travail, ce qui équivaudrait à l’économisme réformiste que les bolcheviques ont du combattre. C’est ainsi qu’il faut mobiliser les travailleurs pour demander l’élimination de toute discrimination linguistique – pour l’égalité des droits pour toutes les langues d’usage commun (en l’occurrence, le tamazight, l’arabe et le français) ! Il faut lutter aussi pour gagner des secteurs importants de la classe ouvrière pour demander l’abrogation totale du Code de la famille. Cette législation abominable, approuvée par le FLN en 1984, qui privent les femmes des droits démocratiques élémentaires et les soumettent au père ou au mari, aura 20 ans le 9 juin prochain. De nombreux groupes féministes font campagne à l’encontre sur le mot d’ordre « 20 ans barakat [ça suffit] ». Les révolutionnaires doivent essayer de mobiliser des syndicats comme le CNES, CLA et le SNAPAP pour abolir cette loi que fait de l’Algérie le pays le plus rétrograde du Maghreb quant aux droits de la femme.

La lutte contre le Pouvoir, c’est-à-dire, le régime à base militaire, doit être dirigé au même temps contre le gouvernement et contre ses patrons impérialistes. Lors de l’invasion américaine et britannique contre l’Irak (mars-avril 2003), l’UGTA et les partis bourgeois (FLN, RND, RCD, FFS) ont maintenu un silence coupable, ne faisant rien pour aider le peuple irakien sous les bombes impérialistes. Il y a des illusions dans les soi-disant « protecteurs » impérialistes comme Chirac et Bush, y compris chez beaucoup de Kabyles, pour qui l’occupation de l’Irak par l’impérialisme US n’était qu’une affaire « arabe ». Bouteflika a même interdit une marche contre la guerre d’Irak le 21 mars. Au lieu de dénoncer les impérialistes et ses complices algériens, la réponse d’au moins une partie de la gauche fut d’appeler au président de s’opposer à la guerre ! Le PADS, par exemple, écrivait : « Les travailleurs, les forces progressives, les vrais démocrates … doivent exiger du pouvoir algérien et de Bouteflika … une autre attitude face à la guerre programmée » (Le Lien n° 73 [mars 2003]). Au contraire, il fallait non seulement se mobiliser indépendamment du régime, mais aussi lutter pour des actions ouvrières pour empêcher la guerre impérialiste, comme par exemple, de refuser de charger les pétroliers avec destination des E.U., Angleterre, l’Espagne, Italie et tout autre pays participant dans l’invasion d’Irak.

Les richesses d'Algérie, convoitées par les impérialistes.

Les impérialistes ont aujourd’hui pris l’offensive, profitant de la faillite du nationalisme bourgeois dans les pays coloniaux et semi-coloniaux et la désintégration du stalinisme soviétique. La soi-disant « guerre contre le terrorisme » couvre l’occupation coloniale de l’Irak et l’Afghanistan, et renforce la terreur contre les immigrés dans les pays impérialistes. Il faut lutter non seulement contre l’impérialisme US mais aussi contre les impérialistes français, le président Chirac en tête, qui prétendaient s’opposer à la guerre alors qu’en réalité ils voulaient seulement partager le butin du pillage. Aujourd’hui aussi, il faut faire appel aux travailleurs d’entrer en action pour bloquer l’établissement d’une base navale de l’OTAN, pour empêcher l’installation d’une station d’écoute de l’agence d’espionnage électronique américaine NSA dans le sud algérien, près de Tamanrasset (négocié en septembre dernier entre le chef de l’état-major algérien, le général Mohammed Lamari, et le général Charles Wald, commandant adjoint des forces américaines en Europe).

Une révolution socialiste en Algérie devra nécessairement s’étendre à tout l’Afrique du nord, avec la perspective d’une fédération socialiste du Maghreb. Il faut ainsi appuyer les travailleurs tunisiens et marocains contre la répression, et lutter pour l’indépendance du Sahara occidentale face à l’occupation par le régime chérifien avec l’appui de l’ONU et des USA (lire notre article, « Le peuple sahraoui sous la botte du ‘nouvel ordre’ impérialiste »). Elle devra être aussi intimement liée à la lutte des travailleurs dans l’ancienne métropole coloniale. En France il est crucial de combattre les divisions au sein de la classe ouvrière et de lutter contre la terreur raciste gouvernementale et fasciste, pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés et leurs familles. La perspective de l’unité révolutionnaire entre les travailleurs français et algériens est décisive pour l’avenir de la lutte des classes dans des deux pays. 

L’expérience de l’Algérie sous le FLN et sa continuation dans l’actuel régime semi-bonapartiste, qui n’a pas brisé l’étau de l’impérialisme, mené à bien un véritable développement économique ou mis en place des acquis démocratiques pour les femmes et les autres opprimés, confirme – par la négative – la théorie et le programme de la révolution permanente de Trotsky. Celui-ci a tiré les leçons de la Révolution russe d’Octobre 1917: dans les pays coloniaux et néo-coloniaux, seule la classe ouvrière dirigée par un parti bolchévique peut, malgré sa relative faiblesse numérique, se mettre à la tête de tous les opprimés et conquérir les acquis démocratiques, en instaurant la dictature du prolétariat, qui passera nécessairement aussitôt aux tâches socialistes.

Aujourd’hui les pseudo-trotskystes du PST et du PT se rejoignent dans l’appel pour une assemblée constituante comme la couronne de leurs plates-formes de lutte démocratique. Dans un pays comme Algérie avec de larges couches paysannes et dominé pendant des décennies par un régime autoritaire qui se veut inamovible, on ne peut pas exclure la possibilité de convoquer une assemblée constituante pour répondre à la soif de démocratie des masses travailleuses. Mais pour que cela aura un contenu révolutionnaire, il faut auparavant établir le pouvoir révolutionnaire des travailleurs. L’optique des réformistes et tout autre. Selon Le Matin (10 avril), « Mme Hanoune [du PT] lance un appel au Président pour l'organisation d'un congrès nationale algérien auquel prendront part toutes les parties politiques et civiles de la nation, et à l'issue duquel sera formée une Assemblée constituante, en remplacement de l'actuelle Assemblée populaire. » Appeler à Bouteflika, l’affameur et répresseur en chef, d’appeler un congrès national pour appeler une constituante – c’est là une caricature du réformisme utopique et réactionnaire. 

Une assemblée « démocratique » sous domination bourgeoise peut-elle résoudre les brûlantes questions linguistiques et régionales qui secouent l’Algérie ou écraser les réactionnaires islamistes ? Impossible ! C’est une illusion criminelle d’imaginer qu’une démocratie parlementaire stable pourrait être établie dans un pays comme l’Algérie, où une fine couche de riches capitalistes et de bureaucrates corrompus, soutenus par l’armée, exercent leur domination sur des masses paupérisées pour le compte de l’impérialisme. L’armée ne sera pas écarté du pouvoir par une assemblée « démocratique » impuissante ; pour cela, il faut organiser un fort contre-pouvoir de classe des conseils de travailleurs et paysans, des soviets, avec leurs propres milices ouvrières – et alors les forces armées qui défend le capital commenceront à se désagréger. Le prolétariat doit combattre, par la lutte de classe indépendante, pour les droits démocratiques les plus larges comme partie intégrante de la lutte pour le pouvoir prolétarien, et non pas une tentative illusoire de réaliser la « démocratie » sans renverser l’Etat capitaliste.

Les présidentielles plébiscitées algériennes, frauduleuses comme toujours, peuvent servir à écarter beaucoup d’illusions parmi les victimes de ce régime. Mais pour cela, il faut surtout un combat pour forger un parti trotskyste algérien. Cette lutte doit être internationale de bout en bout. L’origine de la capitulation au colonialisme de part des communistes français et en Algérie se trouvait en Moscou, plutôt qu’à Paris ou Alger. C’était Staline qui décrétait la ligne du front populaire, de collaboration de classe avec les bourgeoisies impérialistes « démocratiques ». La capitulation des pseudo-trotskystes devant le nationalisme du FLN de Ben Bella (dans le cas de Michel Pablo et son successeur, Ernest Mandel) ou du PPA (Parti du peuple algérien) de Messali Hadj (dans le cas de Pierre Lambert, parrain de Hanoune) était dû à l’abandon d’une perspective prolétarienne révolutionnaire par leurs courants internationaux respectifs. Ce que les pablistes ou lambertistes font aujourd’hui, ce n’est que continuer leurs traditions opportunistes. La lutte pour le trotskysme authentique doit être menée à l’échelle internationale, dans la lutte contre les guerres impérialistes, contre les fronts populaires, pour défendre les gains des travailleurs face à la menace contre-révolutionnaire – c’est-à-dire, dans une lutte intransigeante pour l’internationalisme bolchevique, qui prendra forme dans une Quatrième Internationale reforgée. n


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