Pas de négociation possible avec la gang Couillard-Coiteux –
Étendre la mobilisation au privé – préparer une vraie grève générale! 

Il faut paralyser le Québec pour
battre les briseurs de syndicats !

Seule manière de balayer l’austérité – renverser le capitalisme
Construisons un parti ouvrier révolutionnaire !

Le 9 décembre, plus de 400 000 travailleuses et travailleurs du secteur publique au Québec ont réalisé une journée de grève, parmi eux plus de 100 000 enseignant-e-s, des employé-e-s du système de santé et bien d’autres. À Montréal on calcule qu’environ 34 000 grévistes marchaient pour protester contre la politique d’austérité du gouvernement québécois, qui refusait à bouger de son « offre » d’un gel des salaires pendant deux ans et ensuite une « augmentation » qui serait dans les faits un réduction du salaire réel. D’autres 20 000 personnes ont marché à Québec. C’était la plus grande grève ouvrière et la plus grande mobilisation syndicale au Québec depuis 1972. Le 20 décembre les dirigeants du Front commun syndical ont annoncé un « entente de principe » bidonne dans les négociations avec le gouvernement. Cependant, les 600 délégués de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), qui représentent plus du quart des syndiqués du Front, ont recommendé aux membres rejetter l’accord.  La Ligue pour la Quatrième Internationale a reparti un tracte dans la manif du 9 décembre que nous reproduisons, légèrement modifié, ici.

Depuis plus d’un an, les travailleurs du secteur public du Québec se mobilisent pour se défendre des exactions et de la politique d’austérité anti-ouvrière du gouvernement du premier ministre Philippe Couillard et son homme de main Martin Coiteux, président du Conseil du trésor. Après les mobilisations massives de la Coalition Refusons l’Austérité et les marches étudiantes du printemps, pendant cet automne il y a eu toute une série de grèves tournantes, manifestations et piquetages à l’appel du Front commun intersyndical et des syndicats des services publics. Suite au report des journées de grève prévues pour les 1er, 2 et 3 décembre, et face au refus du gouvernement libérale de négocier rien du tout sur les salaires, il y aura une journée de grève des 400 000 travailleuses et travailleurs syndiqué-e-s du secteur public le 9 décembre en conjonction avec le déclenchement d’une grève de trois jours des enseignant-e-s.

De toute évidence, ce gouvernement de briseurs de syndicats et destructeurs des services sociales n’est prêt à aucune concession. Couillard ne bouge pas de son « offre » de 3% d’« augmentation » de salaires sur cinq ans, avec deux ans de gel, et une hausse de l’âge des retraites. Ce n’est seulement une insulte aux syndicats et aux travailleurs – étant inférieure au taux d’inflation, après des années de pertes du salaire réel – c’est une provocation. Ces représentants patronaux calculent que les syndicats n’ont pas la capacité de résister l’assaut par les forces « de l’ordre » qu’ils pensent lancer dans le cas où les dirigeants syndicaux ne capitulent complètement. Malheureusement, la réduction de la demande salarial du Front commun du 13.5% à 7% et la suspension de la grève nationale, conçues comme signe de « bonne foi » et du « sérieux » des dirigeants syndicaux, ne peut qu’augmenter le soif de sang de ce gouvernement de bourreaux. Il faut comprendre qu’il n’a aucune intention de négocier jamais.

On rapporte que, de connaître l’offre syndicale avec la coupure de la revendication salariale par la moitié, le gouvernement tardait seulement 30 minutes pour l’étudier avant que Coiteux l’aurait jetée à la poubelle en déclarant que c’est « inacceptable ». Même le chef du Parti Conservateur du Québec et plusieurs personnalités de la radio ironisaient dans une déclaration commune que « le pizza doit être livré en 30 minutes, pas des réponses gouvernementales aux concessions dans les négos avec leurs travailleurs ». Les bureaucrates syndicaux se plaignent de l’hypocrisie de Couillard, qui veut augmenter les salaires des députés de l’Assemblée nationale de 88 000 $ à 136 000 $ au même temps qu’il propose d’imposer une baisse de salaire réel aux travailleur-e-s. Et de la tartufferie de Coiteux qui prône le « déficit zéro » tandis qu’il donne 1.5 milliard de dollars à Bombardier. Mais les appels de assainissement des finances publics ne sont que la façade pour cacher leur vraie cible, l’affaiblissement et finalement l’étripage du pouvoir du mouvement ouvrier.

Dans le monde réel, et pas le pays des merveilles que habitent les bureaucrates syndicaux, la seule manière qu’on pourra faire incliner ce gang de nervis patronaux en costume-cravate c’est de mobiliser une force supérieure – celle de la classe ouvrière prête à défier l’État capitaliste. N’oublions que c’était l’antérieur gouvernement libérale de Jean Charest qui envoyait des centaines d’agents de la Sûreté du Québec pour écraser, coût que coût, la grève étudiante contre la hausse des droits de scolarité universitaires en 2012. Et n’oublions non plus qu’ensuite le gouvernement péquiste de Pauline Maurois qui le remplaçait (avec l’aval des dirigeants étudiants) avait introduit l’indexation (c’est-à-dire, l’augmentation) des frais. La réalité, c’est que l’austérité n’est pas une politique de choix qui pourrait être renversé par le prochain cabinet, mais plutôt la condition de survie du système capitaliste en pleine dépression mondiale depuis la crise de 2007-2008.

Voyons l’expérience grecque suite à l’élection du parti SYRIZA (Coalition de la Gauche Radicale) en janvier 2015 sur une plate-forme anti-austérité. Après des mois de théâtre, de tonnerre et foudre, ce parti bourgeois populiste – qui ressemble en beaucoup d’aspects le Parti Québécois – terminait par mettre en œuvre des mesures encore plus dures de sabrer les retraites et salaires que celles imposées par les gouvernements de droite. Ni les élections, ni un référendum avec un vote de 60% contre les exigences des eurobanquiers n’ont pu détourner la dictature du capital financier. Quand la Fédération Autonome de l’Enseignement déclarait le 3 décembre, après 64 sessions de pourparlers inutiles, que « Le gouvernement prive les profs de leur droit de négocier », elle avait raison. Couillard veut faire au Québec ce que le gouverneur Scott Walker réussit à faire dans l’état de Wisconsin aux É-U. Pour battre celui-là, il fallait une grève générale, qu’on était en train de préparer. Quand les syndicats de Wisconsin reculait au dernier moment, ils ont signé leur propre arrêt de mort.

Au cours de la lutte contre l’austérité au Québec, on a présenté pas mal de plans pour redistribuer la richesse, pour « imposer tous les revenus de façon équitable », etc. Des courants petit-bourgeois comme Québec solidaire (qui héberge une grande partie de la gauche réformiste) veulent adoucir l’austérité. Tous sont voués à l’échec. Le Parti libéral, qui détient les leviers du pouvoir à Québec ainsi qu’en Ottawa avec la victoire de Justin Trudeau dans les dernières élections fédérales, a toujours été le parti des grandes entreprises. Il défend les intérêts de sa classe, la bourgeoisie, et il utilise tous les instruments à sa disposition pour en faire, les médias, la corruption et surtout la machinerie de l’État capitaliste – la police, les forces armées, tribunaux et prisions. Trudeau père l’avait fait en 1970 quand il envoyait l’armée pour occuper le Québec en pleine ébullition nationaliste, ainsi que faisait le premier ministre québécois Robert Bourassa, libéral lui aussi, avec la « loi spéciale » pour écraser les grèves du Front commun de 1972.

Pour battre ces briseurs de grèves et de syndicats il faut mobiliser toute la force de la classe ouvrière pour paralyser le Québec. Ça veut dire, premièrement, qu’il faut étendre la grève au secteur privé, aux secteurs clés de l’économie qui produisent les profits du capital, à l’industrie forestière et les mines, les usines d’aluminium du Saguenay, aux transports et aux secteurs stratégiques, comme Hydro-Québec. Bloquez le pont Champlain – les camionneurs sauront comment faire. Il faut préparer une vraie grève générale, ce que exigent la formation de groupes de défense ouvrières, des comités populaires d’approvisionnement, des conseils ouvriers dans les zones industrielles, des équipes de communications. En 1972 les travailleurs ont contrôlé des villes entières, comme à Sept-Îles où ils ont pris le port et la radio. Mais c’est la direction qui est décisive. En 72, démuni d’un programme révolutionnaire, les dirigeants du Front commun n’étaient prêt à confronter l’État capitaliste, et donc ils ont finalement capitulé.

Pour une lutte jusqu’au bout il faut remplacer la bureaucratie pro-capitaliste avec une direction de lutte de classe et forger un parti ouvrier révolutionnaire, capable d’organiser nos forces pour vaincre la répression bourgeoise. On a besoin d’un parti léniniste qui agit comme un « tribun populaire », champion de tous les secteurs discriminés et opprimés, qui sait combiner la lutte des étudiant-e-s, des immigrant-e-s, des femmes, sous la houlette d’une classe ouvrière consciente. Luttons pour des centres de petite enfances gratuits pour tous ; des pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui résident ici, n’importe leur origine ;  contre toute discrimination basée sur la religion ou sexualité, comme la « Charte des valeurs québécoises » du PQ; pour l’éducation laïque, gratuite et de haute qualité à tous les niveaux, abolition des droits de scolarité. Construisons un parti internationaliste, qui s’oppose aux interventions impérialistes du Canada, au Moyen Orient, l’Afrique et en Haïti, où la police québécoise a joué un rôle vital dans l’occupation par l’ONU de la première république noire.

On est au point d’inflexion d’une lutte défensive. Jean-Marc Piotte, historien d’orientation marxiste et professeur émérite de l’UQAM, opine que « Le ras-le-bol est complet et généralisé. L’écœurement est radical », qu’il faut remonter à 1972 pour retrouver une telle effervescence. Ce qui distingue le moment actuel, c’est que « la colère ne vient pas des centrales syndicales, mais des travailleurs eux-mêmes. ‘Ils sont prêts à se battre’ », disait-il au Journal de Montréal (26 octobre). A ce moment il faut insister sur la nécessité d’aller plus loin et ne pas fléchir devant les menaces d’un ennemi de classe sans pitié, prêt à sacrifier la sorte des enfants, des plus faibles pour sauver leurs profits. Mais pour sortir gagnant de ce bras de fer étendu, il faut déjà esquisser la route à suivre, pas pour réaliser un illusoire « État-providence » capitaliste québécois, sinon en prônant l’indépendance du Québec comme partie de la lutte pour la révolution ouvrière et une fédération socialiste d’une Amérique du Nord trilingue toute entière. C’est là le programme de la Ligue pour la Quatrième Internationale. ■