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octobre 2002 


Lettre à la LCI

La lettre à la Ligue Communiste Internationale (LCI, la tendance Spartaciste) que nous publions ci-dessous fut écrit par un camarade maghrébin, ancien militant de la Tendance Plate-forme Trotskyste (TPT), minorité oppositionnelle dans le Parti Socialiste de Travailleurs (PST) algérien, section sympathisante du Secretariat Unifié (SU) dirigé alors par Ernest Mandel.

La question russe

J’ai été recruté à la TPT en 1992, centralement sur la question russe. Le PST algérien et ces co-penseurs du SU se sont retrouvés au moment de la contre-révolution en URSS sur les barricades d’Eltsine. Au lieu de défendre  la position de principe trotskiste de défense militaire inconditionnelle de l’Etat ouvrier dégénéré, ils ont écrit dans l’Inprecor de 1991 « il fallait sans hésiter s’opposer au coup et, à ce titre lutter au côte d’Eltsine ». Cette logique stalinophobe et anti-soviétique m’amenait à rompre avec ces pseudos-trotskistes et j’ai rejoint par la suite les camarades de la TPT ou, j’ai appris que l’attitude juste qu’un parti trotskiste devait prendre au moment de la prise du pouvoir par l’homme de paille de Bush : d’appeler à la classe ouvrière à s’opposer au contre-coup contre-révolutionnaire d’Eltsin, étant prêt à faire un bloc militaire avec des éléments résistants de la bureaucratie dans lutte armée contre les réstaurationistes déclarés.

Un programme de défense de l’économie collectivisée par une révolution politique aurait été mise à l’ordre du jour les trotskistes seraient alors entrer dans un front-unique avec la partie thermidorienne de la bureaucratie contre l’offensive ouverte de la contre-révolution capitaliste. Comme Trotski l’a écrit dans le programme de transition, « au sein de la bureaucratie il y ‘a toutes nuance de la pensée politique depuis le véritable bolchevisme (I. Reiss) jusqu’au fascisme achevé (Th. Boutenko). Si demain la tendance bourgeoise-fasciste, bref la fraction Boutenko entre en lutte pour la conquête du pouvoir, la fraction Reiss prendra inévitablement sa place de l’autre côte de la barricade se trouvant momentanément l’allié de Staline, elle défendra bien entendu, non pas la clique bonapartiste de celui-ci mais les bases sociales de l’URSS… »

Ce que le camarade Norden voulait expliquer en parlant de la possibilité d’une « fraction Reiss » dans la RDA et l’URSS, c’est à dire au moment ou la LCI avançait une perspective révolutionnaire avec un programme trotskiste pour une révolution politique en RDA et une révolution sociale en RFA, est qu’on devrait chercher à faire bloc militaire avec les éléments récalcitrants de la bureaucratie du SED. Cela ne constitue pas une négation du rôle de la LCI en tant que direction révolutionnaire mais une compréhension juste de l’analyse trotskiste de la nature de la bureaucratie stalinienne.

Joseph Seymour, l’intellectuel en retraite de la LCI, a réfuté catégoriquement, dans Spartaciste édition française no 33, une telle possibilité. C’est à dire, s’il y aurait une résistance ouvrière massive à une contre-révolution, la bureaucratie ne scissionnerait pas en fraction, et que la fraction Reiss était spécifique à l’Union soviétique des année 30. Il poursuit « ce n’est pas un concept transhistorique applicable à toute les bureaucraties staliniennes en tout temps et en tous lieux ». Le cas de la Hongrie démontre la fausseté de cette nouvelle ligne de la LCI. Alors Seymour écarte toute possibilité d’un bloc avec la fraction thermidorienne de la bureaucratie sous-prétexte qu’il n’existe pas. C’est une révision éhontée et un prélude à une révision de l’analyse trotskiste de la nature de la bureaucratie stalinienne. 

Trotski explique que les privilèges de la bureaucratie provenaient de l’économie planifiée. Contrairement à cette analyse marxiste, la LCI affirme depuis 1996 que les staliniens auront dirigé la contre-révolution en RDA. En tant que trotskiste je rejette cette affirmation. Les bureaucrates staliniens n’ont pas dirigé la contre-révolution, mais c’est l’œuvre de la bourgeoisie impérialiste avec ses lieutenants ouvriers sociaux démocrates. La bureaucratie à ouvert la voie à la contre-révolution avec sa politique contre-révolutionnaire de front populaire et son dogme du socialisme dans un seul pays. Si les bureaucrates staliniens du PDS ont mené la contre révolution en Allemagne de l’est, pourquoi la LCI a titré dans le Bolchevik de novembre 1992 « libérer Honecker ! » ? Et si le Kremlin qu’était aussi derrière la destruction contre-révolutionnaire de la RDA, pourquoi la LCI a salué la présence des soldats de l’Armée rouge ? Il fallait alors, d’après cette nouvelle ligne, appeler au retrait de l’Armée rouge de l’Allemagne de l’est, comme l’a fait remarquer un camarade de la LQI dans une discussion avec des  militants de la SL/US.

En URSS, le « socialisme du marché » de Gorbachev a donné des encouragements et l’occasion à Eltsine de prendre le pouvoir avec l’aide de l’impérialisme US et la CIA. Une fois au pouvoir, il entreprit de réorganiser les échelons supérieures de l’armée , mettant en place une couche d’officiers plus jeune marqués, soit par leur soumission à Eltsine soit par un violent nationalisme grand russe, et c’est comme ça que les forces centrifuges mise en mouvement par le contre coup d’Etat d’Eltsine ont parvenu à détruire le premier Etat issu de la révolution victorieuse d’Octobre 17. A ce moment là, de nombreux officiers quittaient l’armée dégoûté par l’interdiction du parti communiste dans l’armée. Je pose ici la question à Seymour, envisagez-vous un bloc militaire avec de tels officiers dans une situation pareille (par exemple, en Chine) pour repousser l’offensive capitaliste ou non ? La LCI, au moment de la contre-révolution en URSS avait dirigé beaucoup de travail dans ce sens .

Par cette nouvelle ligne, la LCI nous présente la bureaucratie comme un bloc monolithique contre-révolutionnaire de bout en bout, ce que seulement pourrait être une classe indépendante. Cette nouvelle ligne rassemble étrangement à celle de tout les pseudos-trotskistes pendant la guerre froide. Avec cette ligne révisionniste, certainement la LCI se prépare a renoncer à la défense des autre États ouvriers déformés restants.

Aujourd’hui en Chine la bureaucratie pave la voie à la contre-révolution capitaliste dans la mesure ou elle capitule devant les multiples attaques impérialistes et les pressions des forces bourgeoises restaurationistes. Le choix est entre la révolution politique prolétarienne et la contre-révolution capitaliste, et pour diriger cette révolution politique il est urgent de construire un parti trotskiste d’avant-garde. Il faut envisager la possibilité de gagner parmi des éléments récalcitrants de la bureaucratie chinoise une section, même qu’elle soit assez restreint comme l’avais prévu Trotski, au programme et au parti trotskiste, à condition d’avancer un programme de revendications transitoires pour la défense de propriété collectivisée.

Pour en finir avec cette question, je doit dire que moi même, j’ai été désorienté par la littérature à sens unique de la LCI et j’ai accepté comme quoi Norden est Pablo de retour ! Mais dés le début de mes correspondances avec vous je portais des soupçons. Alors que j’ai relu la littérature trotskiste de la LQI, j’ai constaté la caractère fallacieux et mensongère de votre littérature. A cette égard j’invite les militants de la LCI à relire sérieusement touts les numéros de l’Internationalist. La question russe et l'État soviétique ont tracé une ligne de démarcation dans le mouvement ouvrier international. L'attitude par rapport à l'Union soviétique à été le critère sur lequel se séparaient la véritable tendance trotskiste de tous les autres capitulards révisionnistes. Aujourd'hui, il en est le même avec la LQI trotskyste et les centristes capitulards de la LCI.

La question coloniale

La position de la LCI sur le Porto-Rico et la question coloniale en générale m’ont conduit à comprendre profondément l’évolution de la LCI vers le social chauvinisme et à retourner le dos à la politique léniniste en matière de colonies et de guerre impérialiste.

Votre position « LCI » sur le Porto-Rico consiste tout simplement de l’appel au droit à l’indépendance, prétextant la volonté des masses qui ne sont pas favorable à une indépendance comme quoi. La volonté des population est certainement un facteur que les marxistes doivent prendre en compte pour déterminer comment écarter la question nationale de l’ordre du jour. Mais dans les colonies, Trotski insiste que les léninistes doivent lutter pour placer le prolétariat à la tête de la lutte pour l’émancipation du joug de l’impérialisme et leurs intermédiaires bourgeois « nationaux », comme élément constitutif de la révolution socialiste. Il me semble que vous confondez sciemment la question nationale dans un Etat national hétérogène et la question coloniale. Vous renoncez ainsi à un aspect clef de la perspective trotskiste de révolution permanente.

Le mot d’ordre que la LCI défend, à savoir le droit à l’indépendance et pas l’indépendance immédiate et inconditionnel, est tout le contraire d’une position claire sur la question coloniale.

A cette égard, parmi les 21 conditions d’admission à l’IC (1920), la huitième condition stipule : « les partis des pays dont la bourgeoisie possède des colonies et opprime d’autres nations, doivent avoir une ligne claire et nette. Tous partis désireux d’appartenir à la 3e internationale est tenu de démasquer impitoyablement les entreprises de ‘ses’ impérialistes dans les colonies, de soutenir non en paroles mais en fait tout mouvements de libération des colonies, d’exiger l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de cultiver dans les cœurs des ouvriers de son pays une attitude vraiment fraternelle à l’égard de la population des colonies et des nationalités opprimes et de poursuivre une agitation systématique parmi les troupes de son pays contre toute oppression des peuples coloniaux ».

La LCI avant 1996 appliquait avec justesse cette condition , dans une déclaration commune signée entre la LTF/SL de l’Australie en 1995 on pouvait lire : « Impérialisme français hors du Pacifique, indépendance immédiate pour la Polynésie et de toutes les dernières colonies française ! » Cependant, dans un autre article sur les Antilles en 1999-2000, la LTF reconnaît que la situation et au bord de l’explosion mais elle n’appelle pas à l’indépendance immédiate à fin de porter un coup contre son impérialisme colonisateur et d’ouvrir la voie à lutte des classes internationaliste. La LTF appelle tristement « A bas la répression ! Droit à l’indépendance ! » 

Il y a lieu de dire ici que la camarade Norden avait raison lorsque il dit que la LCI n’aurait pas été accepté dans l’IC.

Dans l’article sur le Porto-Rico (WV n° 704 — traduit) on lit comme titre que « l’IG flattent le nationalisme latino-américain ». On peut lire aussi que « l’IG est enfoui sa propre position qui de manière classiquement centriste capitule d’abord devant le nationalisme … » parce que l’IG avait écris dans l’Internationalist « l’IG et la LFI préconisent l’indépendance pour le Porto-Rico afin de porter un coup à l’impérialisme en rompant avec l’asservissement coloniale que la lutte de classe passera au premier plan. Nous soutenons toutes les luttes pour l’indépendance contre le pouvoir coloniale même quelles sont dirigées par des forces petites bourgeoises et bourgeoises ». En tant que léniniste, je salut cette position.

L’accusation de la LCI contre l’IG peut retourner contre elle. Trotski nous enseigne dans «  Les peuples coloniaux dans la guerre » que « la lutte pour l’indépendance nationale des colonies n’est, au point de vue du prolétariat révolutionnaire, qu’une étape transitoire vers la voie qu’entraîne les pays arriérés vers la révolution socialiste internationale. » Il insiste là-même : « Le prolétariat révolutionnaire du monde entier soutient inconditionnellement la lutte de la Chine ou de l'Inde pour l'indépendance nationale, car dans cette lutte, en ‘arrachant les peuples à l'asiatisme, au régionalisme, à la soumission à l’étranger, ils portent des coups sévères aux Etats impérialistes’ » (« La IV° Internationale et la Guerre »). Mais la LCI n’appui inconditionnellement la revendication pour l’indépendance des colonies de « leurs propres » bourgeoisie ; bien au contraire, il se prononce agnostique sur cette question-clef, ce que veut dire qu’elle serait contente d’accepter le colonialisme, si c’est la « volonté populaire » des sujets coloniaux. 

Dans le même texte, le « Manifeste de la IVe Internationale sur la guerre et la révolution prolétarienne », Trotski ajoute : « Tant que le mouvement de libération est contrôlé par la classe exploiteuse, il est incapable de sortir de l'impasse…. dans les pays coloniaux et semi?coloniaux ? non seulement en Chine et en Inde, mais en Amérique latine ?, la fraude du ‘Front populaire’ continue à paralyser encore les masses ouvrières, en faisant de la chair à canon pour la bourgeoisie ‘progressiste’ et créant ainsi une base politique indigène pour l'impérialisme. » Mais selon la nouvelle théorie de la LCI, les fronts populaires sont impossibles dans les pays semi-coloniaux où le prolétariat et dominé par les tendances nationalistes. Donc elle abandonne non seulement la lutte contre la bourgeoisie impérialiste mais aussi la lutte contre la bourgeoisie dite « nationale ». 

Cette politique doublement capitularde est maintenant soumise à la preuve de la guerre impérialiste contre l’Afghanistan et maintenant, de nouveau, contre l’Irak. Mais alors qu’il y a une décennie, dans la première Guerre du Golfe, la LCI aurait lutté pour vaincre l’impérialisme et pour la défense de l’Irak, aujourd’hui elle refuse obstinément de soulever le mot d’ordre pour la défaite de « leur propre » impérialisme. A mon sens, dans ce contexte de guerre impérialiste et de décadence du capitalisme, ne pas appeler pour l’indépendance immédiate des colonies, c’est rendre un grand service à l’impérialisme pour se maintenir d’avantage avec l’asservissement des colonies. La position négative de la LCI sur les colonies et la guerre impérialiste démontre la justesse des analyses des l’IG/LQI sur la nature sociale-chauvin et le cours centriste qui à infecté la LCI.

Encore une fois la perspective iskriste

Il est claire que la LCI enterre le programme de la révolution permanente dans la mesure où elle abandonne la lutte pour l’indépendance des colonies et son abandon dans les faits la lutte pour forger des partis bolcheviques dans les pays ex-coloniaux, notamment le Maghreb qui forme un pont humain avec la France . En 1993, la TPT a discuté la question de se retirer du pays avec pour cause l’impossibilité de toute activité bolchevique dû à des conditions de répression. Il était combiné avec la perspective de forger dans l’exile une direction pour de futurs partis orientés envers le Maghreb, avec la publication d’un organe dans l’immigration. Il y avait alors ceux qui ont rejoint la France, et d’autres qui, pour déférentes raisons, ont préféré rester.

Si la LCI avait gardé contact avec eux, ils auraient eu la raison qu’il fallait pour diffuser la littérature. On peut lire dans Le Bolchevik de 1994 l’article sur l’Algérie : « La Ligue trotskiste, section française de la  Ligue communiste internationaliste, se bat pour construire un parti d’avant-garde da la classe ouvrière multiethnique, sera le lien entre la lutte pour la révolution socialiste en Europe et la lutte de l’autre côté de la Méditerranée. » A cette époque, la LTF trotskiste comprenait bien que, la lutte pour la perspective iskriste de forger un noyau de trotskiste maghrébin dans l’émigration est une partie indispensable à la construction d’une section française internationaliste d’une internationale trotskiste. 

Mais quelque chose à changé dans la LCI/LTF. Subitement on annonce la fermeture des perspective d la LCI dans l’Afrique du nord, sous prétexte que la classe ouvrière est finie politiquement et que tout est perdu dans cette région sous l’impact de l’Islam, comme nous la démontre  la ligne défaitiste du Bolchevik de l’année 98, « La guerre civile saigne l’Algérie ». Alors le « pont humain » de l’émigration va en sens unique, vers le métropole. Avec cette perspective liquidatrice, la LCI nous propose – y compris à moi – une perspective d’intégration dans l’une de ses sections. A faire quoi, alors ? Renoncer à la perspective de regrouper des cadres venant des pays ex-coloniaux pour des raisons de répression et l’absence de perspectives de lutte révolutionnaire immédiate signifie la répudiation de la théorie de la révolution permanente dans les pays coloniaux et semi-coloniaux et la négation du rôle du parti comme agent conscient et facteur indispensable pour la révolution.

La trahison historique de la LCI au Brésil et sa fuite honteuse dans la bataille pour l’exclusion des flics du syndicat des employés municipaux de Volta Redonda ; par la suite, son abandon de la perspective iskriste, et son renoncement à l’appel pour l’indépendance des colonies – avec tout cela, la LCI voudrai nous dire à nous, prolétaires des pays coloniaux et semi-coloniaux : Esclaves des colonies, restez esclaves jusqu’au moment où nous serons suprêmes dans la métropole, parce que si vous vous séparez prématurément de la protection de notre bourgeoisie éducatrice, vous tombez inévitablement dans votre barbarie.

Récemment, dans un trac écrit lors de la dernière rebellions kabyle où elle appelle à un parti bolchevique en Algérie, la LTF écrivait de manière hypocrite et centriste que « Pendant des années la classe ouvrière algérienne a été écrasé par une guerre sanglante. Celle-ci continue, mais aujourd’hui il y a la possibilité tangible d’une polarisation de la société sur une base de classe. Cela exige l’indépendance politique complète et inconditionnelle du prolétariat incarnée par la direction d’un parti d’avant-garde léniniste. c’est la perspective de la révolution permanente de Trotsky. C’est pour cette perspective que combat la Ligue Communiste Internationaliste. »

Bizarre ! hier, selon la LCI, la classe ouvrière algérienne est finie, finie, et par conséquent on ferme le travail dans le Maghreb – c’est à dire, liquider la perspective iskriste et exclure des militants cadre venant du pays en question – et aujourd’hui la LCI/LTF se donne en paroles comme tache de construire un parti d’avant-garde qu’elle n’a aucune intention de réaliser dans les faits. Il me semble que c’est en cela que signifie le véritable centrisme de gauche : paroles « orthodoxes » creuses et des actions qui capitulent devant « sa propre » bourgeoisie. Ainsi, elle ne fera jamais la révolution, ni au Maghreb ni en France ni nulle part.

Marcel Bensaid


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