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juillet 2008

Pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrants et immigrantes !
Pour l’indépendance du Québec ! Il faut construire un parti ouvrier internationaliste !

Québec : question nationale et
montée du chauvinisme anti-immigrant


Marche à Montréal de Solidarité sans frontières, le 4 mai 2008. (Photo: CMAQ)

Sur le plan politique, le dernier an et demi au Québec a été marqué par la montée de la droite politique et conservatrice représentée par l’Action Démocratique du Québec (ADQ) et par une crise identitaire autour des fameux « accommodements raisonnables ». Cette formule vient de la réponse de la Cour Suprême du Canada aux demandes formulées par des groupes religieux minoritaires en bonne partie issus de l’immigration, comme les juifs hassidiques, les musulmans, les sikhs, etc., dans le but de leur permettre de vivre selon leurs pratiques religieuses tout en participant à la société québécoise ou canadienne. Après le fort recul électoral subit par le Parti Libéral du Québec (PLQ) lors du scrutin du 26 mars 2007, le premier ministre Jean Charest a nommé la Commission Bouchard-Taylor, pour calmer un peu les esprits. Mais à peine déposé le rapport final le 22 mai, ses 37 recommandations prioritaires étaient mises en vrac par le chef du PLQ, qui veut préserver le crucifix qui orne la salle de l’Assemblée nationale.

Derrière la crise on a eu un cumul d’incidents. Il y a eu tout d’abord (il y a sept ans) l’affaire du kirpan (couteau traditionnel de la religion sikh) qui concernait un étudiant d’origine indienne de la région de Montréal voulant porter ce symbole religieux à l’école. Une hystérie « sécuritaire » a aussitôt été alimentée par des démagogues xénophobes dans les médias bourgeois, laissant entendre que ce jeune homme pourrait utiliser son kirpan pour blesser d’autres élèves alors que c’est un insigne purement religieux et non offensif. En 2006 la Cour Suprême du Canada a donné raison à cet étudiant qui avait été exclu de son école pour avoir refusé d’enlever son kirpan. C’est à ce moment là que la droite nationaliste représentée par l’ADQ – mais aussi par une partie du mouvement indépendantiste québécois – a commencé à soulever le spectre d’une supposée menace pour les « valeurs québécoises » représentée par les immigrants non-occidentaux et plus particulièrement musulmans. Le développement de l’islamophobie suite aux attentats du 11 septembre 2001 n’a pas épargné le Québec et les femmes musulmanes voilées sont devenues aussi un facteur d’irritation pour bon nombre de nationalistes québécois et de féministes bourgeoises.

Ensuite en janvier 2007, un petit village de la Mauricie, région située entre Montréal et Québec, du nom d’Hérouxville a fait les grands titres des journaux suite à la publication de son code de vie profondément imprégné de racisme et de xénophobie anti-musulmans et anti-immigrants en général. Alors qu’il n’y avait pas un seul immigrant musulman habitant le village, on y interdisait notamment l’usage de la lapidation, comme si tous les musulmans pratiquaient ce châtiment barbare! Le maire d’Hérouxville voulait même que son code soit enchâssé dans la charte des droits et des libertés pour « apprendre aux immigrants notre manière de vivre et les obliger à respecter nos valeurs »! D’autres villages dans la même région ont annoncé peu après leur intention d’adopter ce code de vie. Les médias bourgeois du Québec ont en général tourné en ridicule l’initiative d’Hérouxville tout en passant sous silence leur grande part de responsabilité dans ce dérapage, déclenchant ainsi parmi les couches socialement plus arriérées de la population québécoise un sentiment d’envahissement et d’insécurité.

Femmes musulmanes à Hérouxville, le 11 février 2001, pour protester contre le « code de vie » xénophobe dirigé contre les immigrant-e-s.
(Photo: Ian Barrett/AP)

Peu de temps après la publication du code de vie d’Hérouxville, des jeunes filles musulmanes furent exclues de compétitions sportives pour avoir refusé d’enlever leur hidjab (foulard islamique). Encore une fois les médias bourgeois n’ont pas hésité à dénoncer l’attitude des jeunes filles comme une volonté de défier les règles « sécuritaires » au sport afin de se conformer à leurs coutumes religieuses. Tout ceci reflète la tendance naturelle de toute bourgeoisie de diviser la classe ouvrière pour mieux régner et ainsi étouffer les luttes sociales. Le fait de dresser les travailleurs québécois « de souche » contre les travailleurs immigrés permet à la bourgeoisie québécoise de mettre en œuvre plus facilement ses politiques de destruction des acquis sociaux de la classe ouvrière.

En même temps, le souci des commissionnaires Gérard Bouchard et Charles Taylor, et de secteurs importants de la bourgeoisie québécoise, c’est que « les Québécois ont opté simultanément pour un régime de très faible fécondité, une croissance démographique et économique et le maintien de leur niveau de vie, ce qui a beaucoup pesé sur les politiques en faveur de l’immigration ». En clair, les femmes québécoises n’accouchant suffisamment de bébés, pour maintenir le niveau de vie d’une population vieillissante ils voient la nécessité d’encourager l’immigration, dont il faut ménager les conséquences dans le cadre de la « démocratie libérale » bourgeoise. Ainsi ils préconisent des règles de bon comportement, sans toucher aux fondements du capitalisme qui génère la xénophobie.

Cette crise identitaire confirme d’une manière éclatante ce que le dirigeant communiste révolutionnaire russe Lénine désignait par le terme « mentalité étriquée de petite nation ». Le nationalisme des petites nations a en effet tendance à percevoir tout ce qui est étranger comme une menace pour la survie de la langue et de la culture nationales. Ce qui entraîne généralement un repli sur soi à caractère xénophobe. Le Québec, étant une petite nation francophone située à l’intérieur d’un continent massivement anglophone, est marqué depuis deux cent ans par une lutte contre l’oppression nationale et la domination de son territoire tout d’abord par la monarchie britannique et ensuite par l’État canadien. La bourgeoisie et la petite bourgeoisie nationalistes du Québec utilisent ce sentiment d’insécurité généré par l’oppression nationale des Québécois pour attaquer les droits des personnes immigrantes et ainsi empêcher l’unité de la classe ouvrière.

Les immigrant-es deviennent alors des boucs émissaires pour l’impasse dans laquelle se trouve le mouvement pour l’émancipation nationale du Québec depuis la sévère défaite électorale que le Parti Québécois a subi lors des élections l’année passée. En effet le PQ s’est ramassé à la troisième place derrière le PLQ, qui a dû former le premier gouvernement minoritaire de l’histoire du Québec depuis 125 ans, et l’ADQ qui est devenue ainsi l’opposition officielle à l’Assemblée Nationale du Québec. Il faut dire que l’ADQ a profité du tollé pour se faire du capital politique en se présentant comme le défenseur des « valeurs québécoises » soi-disant menacées par l’immigration. Le chef du PQ dans ce temps là, André Boisclair, s’était fait dénoncer par une bonne partie de ses militants pour sa supposée mollesse dans le dossier des accommodements raisonnables. Il s’était opposé à l’exclusion des jeunes filles musulmanes voilées des compétitions sportives et sa position était demeurée généralement plus nuancée que celle du chef de l’ADQ Mario Dumont. Mais c’en était trop pour les nationalistes radicaux qui sont très nombreux à la base du Parti Québécois et qui l’ont poussé à démissionner quelques mois après les élections pour le remplacer par Pauline Marois, une ancienne ministre péquiste.

Panneau souligne la « solution » chauvine de l’ADQ : halte à l’immigration, et les femmes québécoises (blanches) doivent accoucher plus de bébés !

Il est erroné cependant de relier la débâcle électorale du PQ à un supposé manque de ferveur identitaire. Le PQ est un parti bourgeois au même titre que le Parti Libéral et l’ADQ, qui a mis en œuvre le programme de coupures drastiques dans les programmes sociaux et les services publics prôné par les grandes entreprises lorsqu’il était au pouvoir entre 1994 et 2003. La seule différence réside dans le fait que le PQ camoufle sa véritable nature capitaliste sous un vernis « social-démocrate ». Mais le Parti Québécois est né d’une scission du PLQ à la fin des années 60 et contrairement aux partis ouvriers bourgeois comme le Nouveau Parti Démocratique au Canada ou le Parti Socialiste en France il ne tire pas ses origines du mouvement ouvrier. Sans oublier que le PQ est un fervent défenseur des accords de libre-échange impérialiste comme l’ALÉNA qui représentent une sérieuse menace pour les conditions de vie de la classe ouvrière nord-américaine.

Sous la houlette du premier ministre Lucien Bouchard (le frère du sociologue Gérard) de 1996 à 2001, le gouvernement péquiste a sabré massivement dans l’éducation, la santé, l’aide sociale et même les programmes de francisation destinés aux immigrants dans le but d’atteindre l’objectif du déficit zéro pour « assainir » les finances publiques. Les politiques antisociales et « néolibérales » du Parti Québécois ont largement pavé la voie à l’offensive tous azimuts du gouvernement libéral de Charest contre les acquis sociaux de la classe ouvrière québécoise obtenus suite à des luttes acharnées. Au cours de l’été 1999, Lucien Bouchard a appliqué une loi spéciale très stricte pour briser une grève militante des infirmières contre les compressions budgétaires dans le réseau de la santé. Lors des élections du 14 avril 2003 le PQ a subi une défaite électorale en bonne partie à cause du désenchantement provoqué par ses politiques de droite. Par la suite il a été incapable de tirer profit de la grogne suscitée par les politiques de démolition sociale du PLQ, mieux connues sous le vocable pompeux de « réingénierie sociale », et c’est ce qui explique son incapacité à vaincre les Libéraux lors des élections de 2007.

L’arrivée de Pauline Marois à la tête du PQ a marqué le début d’un virage identitaire pour ce parti. Il y a eu tout d’abord l’élaboration du projet de loi sur la citoyenneté québécoise qui menaçait d’enlever aux nouveaux immigrants qui ne parleraient pas le français le droit de se présenter comme candidat à des élections. De plus l’obtention de la citoyenneté québécoise, ce qui constituerait une nouveauté en soi, était également conditionnelle à la maîtrise de la langue française. La nouvelle cheffe du PQ voulait ainsi démontrer que son parti entendait défendre la langue et la culture françaises supposément menacées par des immigrants « récalcitrants ». C’est un projet loi carrément et profondément chauvin et discriminatoire qui renforce les pires aspects de la loi 101.

Les léninistes-trotskystes s’opposent à toute mesure discriminatoire basée sur la langue et l’origine ethnique, en même temps que nous prenons parti pour l’indépendance du Québec. Nous revendiquons les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrants et immigrantes et ce sans condition. En tant que marxistes et donc athées nous réclamons une séparation complète de l’Église et de l’État et nous combattons toute forme d’obscurantisme et d’intégrisme religieux. Ainsi il faut appuyer les femmes qui, face à l’énorme pression sociale dans les communautés musulmanes, ont quitté la voile, que ce soit la burqa afghane qui couvre le corps entier pour l’emprisonner ou le hijab, le foulard islamique, qui symbolise la soumission de la femme et de sa sexualité. Nous rejetons catégoriquement l’introduction des tribunaux de la sharia (de la loi islamique) en Ontario au nom du multiculturalisme, qui imposera l’asservissement des femmes. Mais au même titre nous nous opposons à l’interdiction par l’État capitaliste et impérialiste du foulard islamique et d’autres symboles religieux, ce qui ne peut que servir à l’exclusion discriminatoire. Le fait de bannir de la vie publique des femmes parce qu’elles portent le voile islamique contribue encore plus à leur isolement. La même chose est vrai pour les sikhs, hindous et musulmans qui portent le turban, les juifs qui portent la kippa, etc.

L’oppression historique du peuple québécois et la profonde discrimination que la langue française a subie au Québec comme dans le reste du Canada pendant des décennies ne peuvent en aucun cas servir de justification à la volonté des nationalistes bourgeois du PQ de restreindre l’accès des non-francophones à la vie politique du Québec.

Virage du PQ

En même temps qu’il se posait en défenseur acharné de la langue française au Québec, le PQ a effectué, encore une fois, un virage autonomiste sur la question nationale. Lors de son Conseil National tenu en mars 2008, il a mis au rancart l’obligation de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec suite à une élection victorieuse. Au lieu de parler de souveraineté (formule ambigüe pour éviter prononcer le mot indépendance), la direction du PQ parle maintenant de « gestes de gouvernance », comme la création d’une citoyenneté québécoise, dans le cadre d’un Canada uni. En 1985 après la démission de son fondateur René Lévesque, le Parti Québécois sous la houlette de Pierre-Marc Johnson avait remplacé le projet indépendantiste par l’« affirmation nationale ». Il n’y a donc rien de nouveau dans la démarche de la direction actuelle du PQ. L’impasse dans laquelle se trouve le projet d’indépendance du Québec pousse les dirigeants nationalistes bourgeois à trouver une sortie de secours leur permettrant de reprendre le pouvoir dès que possible.

Pour sa part, la Ligue pour la Quatrième Internationale prône l’indépendance du Québec afin de mettre un terme à l’oppression nationale du Québec et aux antagonismes nationaux qui entravent les luttes unifiées de la classe ouvrière partout au Canada et en Amérique du Nord. En même temps nous voulons briser l’emprise des nationalistes bourgeois et petit-bourgeois du Parti Québécois, du Bloc Québécois et du nouveau parti de gauche Québec Solidaire dont les politiques lient la classe ouvrière québécoise à ses exploiteurs « nationaux ». De cette façon les travailleurs et les travailleuses du Québec et du Canada anglais reconnaîtrons que leurs véritables adversaires sont leur bourgeoise respective et non la classe ouvrière de « l’autre nation ».

Pauline Marois, dirigeante du Parti Québecois, en octobre 2007 quand elle introduisait un projet de loi sur « l’identité québécoise  » qui interdirait la candidature des immigrants qui n’ont passé un examen en langue française. (Photo: Canadian Press) 

De l’autre côté, nous nous opposons fortement aux courants de la gauche canadienne-anglaise qui mettent de l’avant la défense de l’unité canadienne et donc de l’État canadien impérialiste face à la volonté d’émancipation nationale du Québec, comme le Nouveau Parti Démocratique (NPD) social-démocrate de droite, célèbre pour ses positions chauvines, et le Parti Communiste du Canada stalinien, qui colporte l’illusion de réformer la constitution canadienne pour satisfaire les revendications du Québec et des peuples autochtones sous le capitalisme.

Le Canada est un État impérialiste qui est un partenaire junior de l’impérialisme américain et qui participe activement à l’occupation de l’Afghanistan depuis 2001 et d’Haïti depuis 2004. Dans ce dernier cas, le gouvernement libéral de Paul Martin qui a été au pouvoir de 2004 à 2006 a joué un rôle important dans le coup d’État qui a renversé le gouvernement de Jean-Bertrand Aristide le 29 février 2004. Le Québec par contre n’est pas non plus une colonie ou une semi-colonie de l’État canadien. C’est une nation opprimée au sein d’un État multinational. La bourgeoisie québécoise a ses propres ambitions impérialistes, entre autres envers l’Afrique, et participe à l’occupation d’Haïti avec la présence de nombreux policiers québécois dans la république noire pour « rétablir l’ordre et la paix ».

En réalité, autant les nationalistes bourgeois québécois que les fédéralistes canadiens se sont emparés des énormes ressources hydrauliques et minières du Grand Nord québécois, du pays des Cris et des Inuits, pour les revendre aux financiers new-yorkais. Tout comme le libéral Jean Lesage avec sa « révolution tranquille », dont le Ministre des Ressources Naturelles et futur fondateur du Parti Québécois, René Lévesque, créa Hydro-Québec, les nationalistes bourgeois péquistes ont toujours rêvé d’être « maîtres chez nous », pour exploiter « leurs » travailleurs. Ce n’est que dans le cadre d’une révolution socialiste qui englobe tout l’Amérique du Nord qu’on pourra libérer les peuples autochtones, nations opprimées et masses travailleuses, ce qui est la seule façon permettant de partager et utiliser d’une manière équitable ces richesses au bénéfice de tous.

Volonté de combattre des bases ouvrières, face à
la bureaucratie péquiste inféodée au capitalisme

Dans les pays capitalistes autour du monde, la classe ouvrière est à la défensive. Ses acquis syndicaux sont en danger, on démolit les programmes sociaux. Mais en Québec, les dégâts ont été moins avancés qu’ailleurs, et la possibilité de résistance plus grande. Alors qu’aux États-Unis le taux de syndicalisation dans le secteur privé a tombé jusqu’à 7,8 pour cent en 2006 et dans le Canada la moyenne nationale est environ 32 pour cent, au Québec à la même date il y avait même une légère progression pour dépasser les 40 pour cent. Les garderies subventionnées à 7 $ par jour existent toujours, avec 200 000 places dans les CPE. Mais le système de la santé publique est sous attaque, et ceci tant sous les gouvernements du PQ  que du PLQ de Charest. Les frais de scolarité des universités québécoises, même s’ils sont très inférieurs à la moyenne canadienne, montent depuis le dégel promulgué par le PLQ en 2007. La « précarité » du travail progresse, au point que le tiers des emplois dans la province sont aujourd’hui à temps partiel ou à contrat de durée limitée.

Pourtant la volonté de combattre était palpable au sein de la classe ouvrière québécoise contre les politiques de démolition sociale du gouvernement Charest. En décembre 2003, il y a eu des manifestations à travers le Québec pour dénoncer la volonté des Libéraux d’affaiblir les syndicats du secteur public. Des routes ont été bloquées, notamment au Saguenay-Lac-St-Jean, et la tenue d’une grève générale était réclamée avec force dans les assemblées syndicales. Mais les tergiversions des bureaucrates syndicaux ainsi que les divisions intersyndicales ont finalement eu raison du projet de grève générale. Vu cette faiblesse, à la mi-décembre 2005, le gouvernement Charest a procédé à un « coup de force », après 18 mois d’une drôle de négociation et avec des syndicalistes partout dans la rue . Dans le cadre d’une loi d’urgence, il a promulgué ses décrets imposant les conditions de travail des employés de la fonction publique québécoise, décrétant une perte de salaire pour les quelques 500 000 travailleurs pendant une période de sept ans, et interdisant tout « moyen de pression » (Le Devoir, 15 décembre 2005). Le semblant de résistance des bureaucrates s’est évanoui sans laisser de trace.k

Malgré la démoralisation qui a suivie, les manifestations du 1er mai en 2006 et en 2008, qui ont eu lieu dans les deux cas un samedi, ont rassemblé plus de 50 000 personnes. En 2008, le thème de la manifestation du 3 mai était la défense du système de santé public contre la privatisation rampante. La forte participation à cette manifestation démontre bien l’attachement de la classe ouvrière québécoise aux services publics issus de la « Révolution Tranquille » des années 1960 qui fût marquée par la mise sur pied de politiques interventionnistes qui ont permis le développement de la bourgeoisie québécoise, mais aussi d’un État-providence capitaliste. Cependant, ce « modèle québécois » aux allures sociales-démocrates ne peut pas résister dans l’ isolement splendide à l’offensive globale des partisans du « marché libre ». En dépit de leur paroles socialisantes, les centrales syndicales québécoises ont enchaîné les travailleurs au Parti Québécois, un parti des patrons qui a été le fer de lance de l’attaque du patronat contre les programmes sociaux.

Cortège des travailleurs et travailleuses du Journal de Québec dans la marche syndicale du 3 mai à Montréal.
(Photo: Karl Tremblay/MédiaMatinQuébec)

Les luttes de classe continuent. L’année dernière il y avait une courte grève dans la Société de Transport de Montréal, dont l’impact restait limité dû au maintien des services essentiels. Il y a eu le lock-out au Journal de Québec, d’une durée de plus de 14 mois, contre le patron ex-maoïste de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, qui voulait répéter la défaite qu’il a infligé aux travailleurs de Vidéotron (Le Devoir, 27 juin). Il y a aussi le lock-out décrété depuis novembre 2007 par la direction de Pétro-Canada dans l’est de Montréal contre leurs travailleurs. Dans les deux derniers cas, les patrons n’ont pas hésités à utiliser des briseurs de grève. Pourtant, dans tous ces conflits la bureaucratie syndicale tient à « respecter la loi », alors que pour gagner il faudrait rompre les règles du jeu imposées par les patrons, y compris les patrons péquistes. C’était le PQ sous René Lévesque, en 1982, qui avait établi « le conseil des services essentiels » que le gouvernement du PQ, sous Lucien Bouchard, avait utilisé en 1999 pour déclarer « illégale » la grève des infirmières, qu’il a réussi à briser avec la complicité des directions syndicales péquistes.

Au sujet des luttes ouvrières, le projet de grève générale des travailleurs et des travailleuses du secteur public québécois a été un échec retentissant. Les syndicats sont demeurés divisés entre eux, il n’y a pas de front commun, un ingrédient nécessaire pour que la grève soit un succès et pour mettre en échec l’offensive anti-ouvrière de l’État capitaliste. Au lieu de ça, certains syndicats comme le Syndicat de la Fonction Publique du Québec (SFPQ) et le Syndicat des Professionnelles et Professionnels du Gouvernement du Québec (SPGQ) ont organisé des journées et des demi-journées de grève d’une manière sporadique. Mais celles-ci sont vouées à l’échec sans une direction qui rompt avec tous les partis bourgeois, particulièrement avec le PQ, et se prépare pour résister aux attaques de l’État capitaliste. Pour sortir du piège du nationalisme, il faut une contre-offensive ouvrière au niveau politique, pour forger un parti ouvrier internationaliste et révolutionnaire qui lutte pour préparer le renversement du système capitaliste.

La lutte pour une direction communiste internationaliste

Le recul du PQ sur la question nationale a profondément déçu voire choqué nombre de nationalistes radicaux. C’est pourquoi à l’automne 2007 il y a eu la création du Parti Indépendantiste ultranationaliste et xénophobe. Sur son site web (www.parti-independantiste.org) on y retrouve plusieurs déclarations de ses dirigeants sur le supposé refus des immigrants de s’intégrer à la société québécoise et d’apprendre le français. Le PI prône le renforcement de la politique de l’unilinguisme français notamment en étendant l’obligation de fréquenter l’école française pour les immigrants jusqu’au CEGEP (établissement d’enseignement à la fois post-secondaire et pré-universitaire). Il préconise également l’abandon de la stratégie référendaire pour accéder à l’indépendance au profit d’une élection référendaire, ce qui veut dire que l’élection de ce parti mettrait aussitôt en branle le processus d’indépendance du Québec. La stratégie du Parti Québécois depuis 1973 en était une « d’étapisme », soit tout d’abord l’élection d’un gouvernement péquiste et ensuite un référendum sur la « souveraineté » du Québec. Le PI préconise aussi un contrôle plus strict de l’immigration pour favoriser les immigrant-es qui parlent déjà le français.

La montée du chauvinisme francophone a entraîné la montée du chauvinisme anglophone avec la création en même temps du Parti Affiliation Quebec qui prône ouvertement la partition du Québec en cas d’indépendance. Il cherche à remplacer le Equality Party qui a cessé d’exister suite aux élections de 2003 alors que ses résultats avaient été très faibles. Les léninistes-trotskystes ne considèrent pas les frontières d’un Québec indépendant comme étant sacro-saintes et immuables. Nous défendons par exemple le droit des peuples autochtones du nord du Québec de décider librement leur destin. Par contre le mouvement partitionniste anglophone est extrêmement chauvin et vise à dépecer le Québec selon des lignes ethniques en faisant entre autres de l’ouest de Montréal, qui a une très forte concentration anglophone, une enclave canadienne. Le programme ultra-droitier du Parti Affiliation Quebec s’approche de celui de l’ADQ sur le plan socio-économique avec la revendication d’une réduction drastique des impôts et taxes. Les fondateurs d’Affilation Québec sont nostalgiques de l’époque ou l’anglais était la langue dominante à Montréal au niveau du travail et ou l’unilinguisme anglais régnait en maître dans l’ouest de la ville. Pour notre part nous rejetons résolument les extrémistes francophones et anglophones qui font tout pour envenimer les tensions ethniques et linguistiques avec leur programme chauvin. Nous défendons l’égalité des langues et des nations et nous nous opposons à toute forme de privilège linguistique quel qu’il soit.

Dans la manifestation montréalaise du 4 mai. (Photo: CMAQ)

Analysons maintenant brièvement le nouveau parti Québec Solidaire, qui a été crée en février 2006 lors du congrès de fusion de l’Union des Forces Progressistes (UFP) et du mouvement Option Citoyenne, et qui veut se placer à la gauche du PQ. C’est un parti petit-bourgeois résolument populiste qui évite systématiquement l’utilisation des termes classe ouvrière et socialisme. Il a peu de liens avec le mouvement syndical, à l’exception du Conseil central de Montréal de la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN). Sa plateforme en 25 points, été rédigé pour les élections québécoises de mars 2007, prône entre autres un meilleur financement public du système de santé, une hausse des prestations d’aide sociale, la nationalisation de l’industrie éolienne, l’abrogation des lois anti-syndicales promulguées par le gouvernement libéral de Jean Charest, et surtout l’introduction de la représentation proportionnelle. Ce sont toutes des revendications réalisables sous le règne du capitalisme, ce qui démontre clairement que QS n’entend nullement rompre avec ce système infernal d’exploitation et d’oppression mais cherche plutôt à l’humaniser!

Québec Solidaire sert surtout pour rassembler les déçus du PQ afin de faire pression sur ce parti bourgeois. Ces nationalistes petit-bourgeois rêvent du crétinisme parlementaire même quand ils ne peuvent pas entrer au parlement pour participer au jeu de la politique bourgeoise. Et même si un de ses deux porte-paroles, Amir Khadir, est un immigrant d’origine iranienne, QS ne défend nulle part les droits des immigrants. Les révolutionnaires prolétariens, par contre, luttent pour les pleins droits de citoyenneté, canadien ou québécois, pour tous les immigrants et immigrantes. Le pire dans tout ça, c’est que les collectifs soi-disant anticapitalistes de QS comme les mandéliens de Gauche Socialiste, les cliffistes de Socialisme International et le Parti Communiste du Québec sont très à l’aise avec cette orientation populiste bourgeoise et formulent tout au plus quelques critiques collégiales. Il faut dire que ça fait longtemps que ces groupes « d’extrême-gauche » mènent une politique résolument réformiste. Gauche Socialiste, entre autres, défend une politique complètement suiviste envers le nationalisme québécois au point d’appuyer l’unilinguisme français.

Si au Québec une bonne partie de la gauche soutient politiquement le nationalisme québécois, au Canada anglais plusieurs groupes soi-disant marxistes sont suivistes envers le NPD ultra-réformiste et anglo-chauvin, comme par exemple Socialisme International (partisans du défunt Tony Cliff), Socialist Action (partisans de feu Ernest Mandel), Fightback (affilié a la Tendance Marxiste Internationale de feu Ted Grant). Le NPD prétend défendre, sur le papier, le droit du Québec à l’autodétermination mais n’hésite pas à soutenir les mesures réactionnaires du gouvernement canadien comme la loi sur la Clarté référendaire qui permet à Ottawa de déterminer quel pourcentage est acceptable pour reconnaître un vote positif lors d’un éventuel référendum sur l’indépendance du Québec. Lors des élections de mars 2007, Québec Solidaire a obtenu 4% des suffrages et s’est placé en deuxième position derrière le candidat du PQ dans la circonscription de Mercier sur le Plateau Mont-Royal à Montréal. Effectivement, la base de QS se trouve surtout chez les artistes et les intellectuels de gauche dont une bonne partie vivent dans le quartier branché du Plateau Mont-Royal. Aux travailleurs, immigrants ou originaires du Québec, ces nationalistes petits-bourgeois « progressistes » n’ont rien à dire quant à la défense de leurs intérêts de classe.

Pour résumer, une direction révolutionnaire et communiste est plus que jamais nécessaire pour la classe ouvrière québécoise, unie avec la classe ouvrière du reste du Canada et de l’Amérique du Nord. Celle-ci ne se trouve certainement pas du côté de Québec Solidaire et des organisations soi-disant marxistes qui le soutiennent. Ce qu’il faut dès maintenant c’est un parti ouvrier léniniste-trotskyste basé sur les thèses internationalistes de Marx, Engels, Lénine et Trotsky, en tant que section d’une Quatrième Internationale reforgée.

En avant pour la renaissance de la Quatrième Internationale!

Luttons pour forger un parti ouvrier révolutionnaire et internationaliste au Québec!


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internationalistgroup@msn.com

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