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août 2018

Il faut s’unir aux travailleurs dominicains et américains pour vaincre l’assault impérialiste ! 

Révolte en Haïti contre
l’austérité dictée par le FMI


Des barricades érigées dans les rue de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, le 7 juillet pendant la rébellion contra la hausse des prix du carburant ordonnée par les agences imperialistes.  (Photo : Dieu Nalio Chery/AP)

À 16 heures, le vendredi 6 juillet, alors que les Haïtiens regardaient la Coupe du monde de football à la télé, le gouvernement droitier du premier ministre, Jack Guy Lafontant, a annoncé qu’il avait décrété, dès le lendemain, augmenter le prix de l’essence de 38%, du carburant diesel de 47% et du kérosène de 51%. Le kérosène est utilisé pour l’éclairage et la cuisine par les pauvres d’Haïti, dont la plupart n’ont pas accès à l’électricité. Une telle hausse massive des prix entraînerait une augmentation immense du coût de la vie partout dans le monde, mais en Haïti, un pays profondément appauvri, qui souffre de sous-alimentation généralisée, cette catastrophe constitue un désastre pour plusieurs millions de personnes réussissant à peine à survivre. Et il a été commandé directement à Washington, où le président américain, un raciste virulent, a déclaré qu’Haïti était un « pays de merde ».

À la surprise de personne –  à part le gouvernement haïtien et ses seigneurs impérialistes aux États-Unis – le pays a explosé en signe de protestation. Deux jours de barricades enflammées ont secoué la classe dirigeante minuscule alors que des foules en colère assiégeaient des hôtels de luxe, incendiaient des voitures, des stations-service et des banques, ainsi que la chaîne de supermarchés appartenant à la famille la plus riche d’Haïti. Certains des riches ont été évacués des toits de leurs maisons par hélicoptère. En moins de 24 heures, dans l’après-midi du 7 juillet, Lafontant a annoncé la « suspension » de la hausse du prix du carburant « jusqu’à nouvel ordre », ce qui fut ultérieurement confirmée par le président Jovenel Moïse. Mais cela n’a pas arrêté le soulèvement populaire, puisqu’une grève générale a mis fin aux transports dans tout le pays. C’était le plus grand soulèvement en Haïti depuis des années.


Des manifestants ont réduit en cendres le supermarché Delimart à Port-au-Prince au cours de la rébellion contre la hausse des prix du carburant.  (Photo : Dieu Nalio Chery/AP)

La hausse des prix du carburant a été dictée par le Fonds monétaire international (FMI), l’entente des banquiers internationaux, dans le cadre d’un accord conclu en février avec le gouvernement haïtien pour un « programme surveillé par son personnel ». En échange de promesses de 96 millions de dollars sous forme de prêts, le FMI a exigé des réductions des « subventions » sur le carburant et l’électricité, ainsi que la poursuite de la privatisation de L’Électricité d’Haïti. Ce sont les mêmes politiques d’austérité brutales que le FMI et d’autres institutions impérialistes telles que la Banque mondiale et la Banque centrale européenne ont régulièrement imposées à des pays en difficulté économique, de l’Amérique latine à la Grèce.

Le cynisme de l’opération était extraordinaire. En guise de préparation, au coût de millions de dollars, le gouvernement a distribué 3 000 téléviseurs grands écrans coûteux à chaque sénateur et député (à peu près 20 téléviseurs chacun), de telle sorte que dans chaque ville et village la population pourrait regarder la Coupe du monde. Le gouvernement Moïse / Lafontant a estimé que, si tout le monde en Haïti soutenait le Brésil – le dynamo du football mondial – face à la minuscule Belgique, ils ne prêteraient pas attention à la hausse du prix du carburant dans l’euphorie qui suivrait la victoire prévisible du Brésil. Mais à la surprise générale, le Brésil a perdu. Grosse erreur de calcul.

Quelques minutes seulement après la défaite du Brésil, des Haïtiens enragés sont descendus dans les rues en signe de protestation. Des foules massives se sont déchaînées dans la capitale, Port-au-Prince, et se sont étendues aux villes des Cayes, du Cap-Haïtien, de Jérémie et de Petit-Goâve. Des barricades de pneus en feu et de véhicules sur les routes ont bloqué le transport. La police a reçu l’ordre de réprimer le soulèvement mais, submergés par l’ampleur et la combativité des manifestations, ils se sont retirés, laissant la foule maître des rues. Les services téléphoniques et Internet internationaux ont été interrompus et tous les vols entrant et sortant de l’aéroport international Toussaint Louverture ont été annulés. Un petit contingent de Marines est arrivé pour monter la garde à l’ambassade des États-Unis. Plusieurs personnes ont été tuées et dans les prochains jours, plus de 100 personnes ont été arrêtées.

Alors que la rébellion se poursuivait le lendemain et que le gouvernement se retirait, les manifestants en réclamaient davantage. Un comité de coordination composé de syndicats du transport et d’organisations sociales a appelé à une grève générale le 9 et le 10 juillet. Les revendications de la grève comprenaient : la suspension permanente de la hausse du prix du carburant ; réintégration des travailleurs licenciés d’entreprises d’état ; l’arrestation de fonctionnaires corrompus impliqués dans le vol de fonds du programme Petrocaribe, au moyen duquel le Venezuela a fourni du pétrole aux pays des Caraïbes à des conditions favorables ; et le renvoi de Lafontant et de Moïse. Les manifestants ont défilé devant le parlement, où la police a barré la route.

Au même temps, le Forum économique du secteur privé, représentant les capitalistes haïtiens, a dénoncé la « barbarie » des masses en révolte, tout en appelant à la démission du premier ministre. La législature haïtienne, dans l’espoir de démobiliser les manifestations et de rétablir l’ordre bourgeois, s’est préparée à renverser Lafontant par un vote de censure. Le « Core group » d’ambassadeurs américain, canadien et européens a exigé que les Haïtiens « respectent l’ordre constitutionnel » – c’est-à-dire que le Premier ministre peut partir, mais le président doit rester. Enfin, au beau milieu d’un débat législatif animé le 14 juillet, Lafontant a soudainement annoncé qu’il avait déjà démissionné.

Mais rien n’a changé pour rétablir la stabilité. Même après la révolte, le FMI insiste pour que cessent les « subventions aux carburants », mis en œuvre plus progressivement. Pourtant, les prix du carburant en Haïti ne sont pas subventionnés. Même au prix moyen actuel d’environ 70 dollars le baril de pétrole brut (contre 43 dollars l’an dernier), les coûts de production, de raffinage et de distribution de l’essence son autour des 2,50 dollars le gallon. Le prix actuel par gallon par utilisateur en Haïti est de 3,45 USD (contre 2,99 USD aux États-Unis). Avec l’ajustement ordonné par le FMI, ce montant aurait grimpé à 4,75 dollars le gallon dans un pays où le salaire minimum maximum est de 5,15 dollars par jour et la moitié de la population vit avec moins de 2,40 dollars par jour.1

Imaginez que vous payiez presque une journée de salaire pour un gallon d’essence ou de kérosène pour la cuisine et l’allumage ! La hausse des prix du carburant augmenterait également les tarifs des transports tap-tap. Le Miami Herald (13 juillet) a calculé: « Une travailleuse domestique avec deux enfants, par exemple, qui gagne le salaire minimum journalier de 4,39 dollars et vit à Pétionville, dépenserait près de la moitié de son salaire journalier simplement pour transporter les enfants à l’école et de retour à la maison pour un coût de 1,82 dollars. » Pour régler ce problème, les génies du FMI ont appelé à des « mécanismes compensatoires », tels que des bons de transport pour les pauvres. Mais Haïti n’a pas d’appareil pour distribuer de tels bons (qui, bien sûr, seraient bientôt contrefaits), ni pour forcer les opérateurs de bus à les accepter, ce qu’ils ne feraient pas.

Les dictateurs financiers du FMI imposent ainsi une taxe supplémentaire de 85 gourdes (la monnaie d’Haïti), soit l’équivalent de 1 € (euro) ou 1,30 USD par gallon d’essence afin d’augmenter les recettes de l’état de 160 USD million. C’est presque exactement la taille de son déficit budgétaire. D’autres mesures auraient pu être prises à la place. Un article fait par le Haiti Relief and Reconstruction Watch [Moniteur de l’aide et de la reconstruction en Haïti] du Center for Economic and Policy Research [Centre de recherche économique et politique] à Washington, remarquait: « Par exemple, l’année dernière, Haïti avait perdu à peu près le même montant d’argent grâce aux exonérations fiscales accordées aux zones de libre-échange, aux entreprises, aux ONG et aux missions diplomatiques. »2 Il s’agit d’une attaque délibérée et massive contre le niveau de vie des pauvres et des travailleurs.

Et l’augmentation des recettes publiques ne financera sûrement pas « les investissements publics qui font cruellement défaut et un meilleur filet de sécurité sociale », qu’un porte-parole du FMI avait réclamé. Selon une enquête parlementaire menée en novembre dernier, le montant d’environ $ 3,8 milliards que du programme Petrocaribe, prêté par la compagnie pétrolière nationale du Venezuela et destiné à l’infrastructure et à d’autres projets de développement, avait été détourné par des hommes politiques et fonctionnaires haïtiens aussi bien que des entrepreneurs escrocs. Parmi les accusés figurent deux anciens premiers ministres. Une telle corruption est habituelle parmi les maîtres d’Haïti, mais surtout depuis le soulèvement de juillet contre la hausse des prix du carburant, une campagne anti-corruption intitulée #petrocaribechallenge a décollé.

Déjà avant la révolte actuelle, Haïti bouillonnait de protestations contre la hausse des prix de la nourriture et du transport et pour l’augmentation des salaires. Comme le rapportait Kim Ives dans Haïti Liberté (11 juillet), le mot d’ordre de la révolte chez Kreyól était « nou bouke », ce qui veut dire « nous en avons marre ». L’année dernière, des syndicats de travailleurs de l’industrie du vêtement ont mené des grèves combatives revendiquant plus du double du salaire minimum.3 En Haïti, le salaire minimum est fixé à différents niveaux pour différents types de travailleurs – le taux le plus élevé est de 350 gourdes (5,15 USD) par jour, soit un peu plus de 50 cents par heure pour une journée de dix heures. En 2009, Hillary Clinton, secrétaire d’État d’Obama, est directement intervenue pour bloquer l’augmentation proposée du salaire minimum en Haïti.4


Des travailleurs de l’industrie du vêtement, adherents du syndicat SOTA, dirigé par Batay Ouvriye, en marche le Premier Mai 2018. Pour vaincre l’austérité dictée par les impérialistes, il faut mobiliser la pouvoir ouvrier, en Haïti, République Dominicaine et aussi aux États-Unis.  (Photo : Rapid Response Network)

Les augmentations de salaire ont été combattues par le président Moïse, fantoche de l’impérialisme américain. Propriétaire de bananeraie, Moise a été élu lors d’une farce électorale de 2016 (financée par l’administration Obama), dans laquelle moins d’un sur cinq haïtiens ont voté, après que les élections de 2015 ont été annulées en raison d’une fraude massive. Moïse était le candidat du Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK) et le successeur trié sur le volet du chanteur pop Michel « Sweet Micky » Martelly. Dans sa jeunesse, celui-ci était un partisan de la dictature sanglante des Duvalier soutenue par les États-Unis (1957-1986)), puis a continué à entretenir des liens avec les conspirateurs duvaliéristes.5 Martelly a été élu à la présidence en 2011 après l’intervention de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton pour changer les résultats des élections. Clinton a menacé que, si Martelly n’était pas inscrite au deuxième tour, les États-Unis retiendraient des fonds de secours – à la suite du tremblement de terre dévastateur de 2010 !

Martelly a remboursé les Clinton (Bill a été désigné comme gouverneur colonial d’Haïti par l’Organisation des Nations Unies en 2009) en défendant les intérêts des investisseurs étrangers et de l’occupation militaire impérialiste. En 2012, Martelly et les Clinton ont organisé une cérémonie fastueuse pour célébrer leur « grande réussite » : l’ouverture du parc industriel de Caracol, qui abrite des ateliers de misère du textile et qui a été construit grâce à des fonds détournés pour l’aide aux victimes du séisme. Au cours de la campagne pour l’élection présidentielle de 2016, Donald Trump a déclaré avec précision : « Hillary Clinton a mis de côté les règles environnementales et du travail pour aider une entreprise sud-coréenne ayant violé les droits des travailleurs à mettre en place un véritable atelier de misère en Haïti. »6

L’une des raisons pour lesquelles les manifestants ont pu dominer les rues d’Haïti pendant quatre jours est que les troupes de la MINUSTAH des Nations Unies ont été retirées en octobre dernier. Les 13 années d’occupation militaire (2004-17) par les « casques bleus » de l’ONU, qui agissaient comme des mercenaires des États-Unis sous le commandement brésilien, étaient notoires non seulement pour la répression des luttes populaires, mais également pour les agressions sexuelles contre des femmes et des hommes haïtiens. Au milieu de la dévastation provoquée par le séisme de 2010, les troupes des Nations Unies ont introduit le choléra en Haïti, l’épidémie la plus meurtrière de l’histoire récente, une tragédie qui a tué près de 10 000 Haïtiens et en a rendu malade plus de 800 000. Reconnaissant enfin ses responsabilités en 2016, l’ONU n’a fourni pratiquement aucune indemnisation à ses victimes.


Troupes du MINUSTAH sous commandement brésilien patrrouillent Cité Soleil en février 2006. Six mois auparavant, la force mercenaire impérialiste d’occupation avait massacré des dizaines de résidents du quartier appauvri. 
  (Photo : Roberto Schmidt/AFP)

Aujourd’hui, la MINUSTAH a été remplacée par MINUJUSTH, qui a fait venir des centaines de policiers pour renforcer la Police nationale haïtienne. Au même temps, un mois après le départ des troupes américaines, le président Moïse a reconstitué les Forces armées haïtiennes (FAdH). À la mi-mars, les noms du haut commandement de l’armée ont été annoncés. Tous étaient d’anciens officiers du FAdH avant sa dissolution en 1995 (par les forces d’occupation américaines). Sur les six, trois étaient des membres éminents de la junte militaire du début des années 1990, l’un était le cerveau du fameux massacre de Raboteau en 1994 et un cinquième a contribué à le dissimuler.7 Après le soulèvement de juillet, les commandants de l’armée et de la police ont rencontré le président afin de planifier la répression de la prochaine révolte.

Les États-Unis eux-mêmes ont envoyé des troupes en Haïti à plusieurs reprises depuis 1891, y compris l’occupation de 1915-1934 et l’invasion de 1994 ordonnée par le gouvernement Clinton afin de réinstaller l’ancien prêtre Jean-Bertrand Aristide à la présidence, après qu’Aristide eut accepté de renoncer à son programme populiste. en faveur des « réformes structurelles » approuvées par les États-Unis. Son parti Fanmi Lavalas conserve certaines nuances populistes, mais il représente un secteur de la bourgeoisie, y compris Aristide. La « gauche » petit-bourgeoise en Haïti et aux États-Unis a été à la remorque d’Aristide pendant des décennies. Après le séisme de janvier 2010, l’administration Obama a de nouveau envoyé des troupes s’emparer d’Haïti tout en bloquant les réfugiés haïtiens en mer, avec Bill Clinton comme plénipotentiaire américain et gouverneur de facto.8

Le soulèvement de juillet a permis d’éviter l’imposition de la hausse du prix du carburant dictée par le FMI… pour le moment. Mais étant donné le puissant ensemble de forces décidées à maintenir Haïti sous l’impulsion impérialiste, les masses haïtiennes ne peuvent gagner seules. Ils ne sont pas les seuls à connaître les déprédations du capitalisme en décomposition et ses politiques « néolibérales », des traités de « libre échange », de la privatisation et de destruction des gains sociaux et du travail. En janvier 2017, les camionneurs mexicains ont lutté contre les hausses du prix du carburant imposées dans le cadre d’une « réforme énergétique » ordonnée par l’impérialisme.9 En mai dernier, les camionneurs au Brésil se sont révoltés contre la tentative du gouvernement non élu de relever les prix du carburant diesel au niveau international.10 Dans les deux cas, le gouvernement a reculé temporairement.

Si, comme le Grupo Internacionalista du Mexique et la Liga Quarta-Internacionalista do Brasil (sections de la Ligue pour la Quatrième Internationale) avaient proposé, un puissant mouvement ouvrier indépendant aurait pris la direction de ces manifestations en grande partie petites-bourgeoises, cela aurait conduit à une lourde défaite des privatiseurs soutenus par l’impérialisme. Ce qui, à son tour, aurait pu déclencher une contre-offensive prolétarienne contre les privatiseurs et pilleurs par impôt à Washington (FMI, BID [Banque interaméricaine de développement], BIRD [Banque internationale pour la reconstruction et le développement], Banque mondiale) et à Wall Street. Construire une opposition prolétarienne dans les principaux pays industrialisés est la meilleure façon d’empêcher les économistes impérialistes arrogants d’entreprendre leur politique d’« accablage des pauvres » en Haïti. Mais une telle lutte de classe exige une direction internationaliste révolutionnaire.

Cela devrait commencer par s’unir aux travailleurs voisins en République dominicaine, où de nombreuses grèves (sans succès) ont eu lieu contre la hausse du prix de l’essence et où le prix de l’essence à la pompe est actuellement d’environ 4,80 USD le gallon. Haïti – la patrie de la seule révolution d’esclaves ayant réussi dans l’histoire, renversant la domination française à la fin du XVIIIe siècle – partage l’île de Quisqueya (Hispaniola) avec la République Dominicaine. Les deux comptent environ 10 millions d’habitants chacun, tous deux plongés dans la pauvreté (Haïti bien plus) et ont été occupés à plusieurs reprises par les impérialistes yankees. Mais pour que les travailleurs dominicains et haïtiens s’unissent, il faut une lutte frontale contre le racisme anti-haïtien virulent qui empoisonne la politique dominicaine depuis des années.

À l’initiative des États-Unis, qui ont amené des Haïtiens en République dominicaine à travailler dans les plantations de canne à sucre dans les années 1920, alors que les deux pays étaient occupés par des forces expéditionnaires américaines, les immigrés haïtiens et les descendants d’immigrés représentent jusqu’à un million de personnes, soit un dixième de la population dominicaine. En 2015, le gouvernement dominicain a lancé un programme d’expulsion et promulgué une loi sur la nationalité raciste qui privait les centaines de milliers d’Haïtiens de la citoyenneté. Au cours des six premiers mois de cette année seulement, 70 000 000 Haïtiens ont été déportés de la République dominicaine. En 2015, la Ligue pour la Quatrième Internationale a organisé une manifestation d’urgence et fait campagne pour que les travailleurs haïtiens et dominicains se solidarisent contre les expulsions massives.11

Avant tout, il est nécessaire de mener la lutte contre l’impérialisme aux États-Unis, où se trouvent des centaines de milliers d’immigrants dominicains et haïtiens. En fait, en 2017, la diaspora haïtienne a renvoyé 2,4 milliards de dollars américains sur l’île, ce qui en fait la plus grande source de revenus d’Haïti. En novembre dernier, l’administration américaine Trump a annoncé qu’elle allait priver les réfugiés haïtiens (et les réfugiés d’Amérique centrale et du Soudan) du statut de protection temporaire, forçant des dizaines de milliers d’Haïtiens aux États-Unis à craindre d’être saisis par les services de l’immigration.12 La politique de Trump fait suite à la politique d’Obama en 2016 consistant à arrêter les réfugiés haïtiens, venus du Brésil au travers neuf pays à la frontière mexicaine, pour les rapatrier par avion vers Haïti. À l’époque, le LQI avait organisé des manifestations au Brésil, au Mexique et aux États-Unis.13

Aujourd’hui, la majorité et l’opposition de droite au sein de la législature haïtienne n’ont pas encore approuvé le candidat de Moïse au poste de premier ministre (Jean-Henry Céant, ancien politicien aristidiste).14 Les bonzes au FMI attendent la prochaine occasion pour frapper. À la suite de la révolte de juillet 2018, même les populistes de gauche soulignent l’absence et le besoin urgent « d’organisations de classe importantes » et d’un « parti d’avant-garde » pour réaliser le potentiel d’une « percée insurrectionnelle populaire » (Haïti Liberté, 29 août 2018). Mais un parti pour mener une lutte prolétarienne pour les gouvernements ouvriers et paysans en Haïti et la République dominicaine, ainsi que pour une fédération socialiste des Caraïbes, doit être construit au niveau international. Comme nous l’avons écrit lors de la grève des travailleurs du textile de 2017 (The Internationalist nº 48, mai-juin 2017) :

« Face au colosse de l’impérialisme yankee, que la lutte immédiate porte sur les salaires de famine, les lois sur l’immigration raciste ou la répression par les occupants impérialistes, les travailleurs et les pauvres haïtiens ne doivent pas rester seuls. Le petit prolétariat haïtien doit rejoindre les travailleurs de l’autre côté de la frontière en République Dominicaine et à l’intérieur des États-Unis pour mener une lutte de classe commune. Comme l’explique le bolchevik russe Léon Trotsky dans sa théorie et son programme de révolution permanente, à cette époque de capitalisme en déclin, même pour arracher des acquis démocratiques fondamentaux, il est nécessaire que la classe ouvrière prenne le pouvoir et répande la révolution socialiste aux centres impérialistes. À chaque tour, la clé est de forger une direction prolétarienne, internationaliste et révolutionnaire. »  ■


  1. 1. Par contre, au Venezuela, où il existe une énorme subvention sur le carburant, le prix de l’essence à la pompe est d’environ 0,12 USD par gallon.
  2. 2. Jake Johnston, « Own Goal: Fuel Price Increase Generates Crisis in Haiti », CEPR, 11 juillet 2018.
  3. 3. Voir « Haitian Workers Brave Repression in Fight Against Starvation Wages », The Internationalist nº 48, mai-juin 2017.
  4. 4. Voir « Haiti: Battle Over Starvation Wages and Neocolonial Occupation », The Internationalist nº 30, novembre-décembre 2009.
  5. 5. Y compris Michel François, également connu sous le nom de « Sweet Micky », le feu colonel de l’armée haïtienne, chef de la police nationale et pilier des putschs de 1991 et 2004.
  6. 6. Cité par Johnathan Katz, « The Clintons Didn’t Screw Up Haiti Alone. You Helped, » [Les Clinton n’ont pas ruiné Haïti seul. Vous avez aidé] Slate, 22 septembre 2016. Bien entendu, les vêtements et les chaussures d’Ivanka Trump sont fabriqués dans des ateliers de misère (détenus par des Américains) en Chine, où les inspecteurs ont constaté de nombreuses violations des normes internationales du travail.
  7. 7. Jake Johnston, « Meet the New Haitian Military – It’s Starting to Look a Lot Like the Old One, » [Voilà les nouveaux militaires haïtiens – ils ressemblent beaucoup aux anciens] CEPR, 16 mars 2018.
  8. 8. Honteusement, les ex-trotskystes de la Spartacist League et sa Ligue communiste internationale (SL / ICL) ont salué l’invasion américaine comme une aide humanitaire. Après trois mois de défense vocale de ce soutien grotesque à l’impérialisme et de dénonciation du Internationalist Group et de la Ligue pour la Quatrième Internationale pour notre revendication léniniste de sortie des occupants yankees, les centristes de la SL / ICL ont fait volte-face et ont approuvé notre caractérisation de leur ligne comme une trahison social-impérialiste. Voir « Spartacist League Backs U.S. Imperialist Invasion of Haiti » [La Spartacist League soutient l’invasion d’Haïti par les impérialistes américains] (janvier 2010), « SL Twists and Turns on Haiti » [La SL se tourdille au sujet d’Haïti] (avril 2010) et « Repentant Social Imperialists: Open Letter from the Internationalist Group to the Spartacist League and ICL » [Social-impérialistes repentis: Lettre ouverte du Internationalist Group à la Spartacist League et ICL] (mai 2010) dans The Internationalist nº 31, été 2010.
  9. 9. Voir « For Workers Mobilization to Smash the Gasolinazo !  » [Mobilisez les travailleurs pour briser le gasolinazo !], The Internationalist nº 46, janvier-février 2017.
  10. 10. Voir « Brazil Truckers Strike: Oil Workers Should Take the Lead to Ensure Proletarian Leadership », dans The Internationalist nº 52, mai-juin 2018.
  11. 11. Voir « Arrêtons l’expulsion des Haïtiens de la République dominicaine ! » L’Internationaliste supplément, juin 2015. Aussi « New York Protest Against Persecution of Haitian Workers in the Dominican Republic » (août 2008) dans The Internationalist nº 28, mars-avril 2009.
  12. 12. Voir « Let Haitians Stay! Full Citizenship Rights for All Immigrants ! » [Laissez les haïtiens rester ! Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés !] The Internationalist, janvier 2018.
  13. 13. Voir « Stop Exclusion of Haitians ! Stop All Deportations ! Occupation Troops Out of Haiti !  » [Halte à l’exclusion des Haïtiens ! Arrêtez toutes les déportations ! Les troupes d’occupation hors d’Haïti !] The Internationalist nº 45, septembre-octobre 2016.
  14. 14. Céant fut confirmé comme premier ministre à mi-septembre 2018 et relevé de ses fonctions en mars 2019, suite à une nouvelle vague de manifestations contre la corruption du gouvernement de Jovenel Moïse.