février 2003 

Tract distribué par la Ligue pour la Quatrième Internationale à l’occasion de la manifestation antiguerre d’Amsterdam du 15 février 2003.

Les dirigeants impérialistes des USA et leur allié britannique sont prêts à déclencher un carnage horrible en Irak. Actuellement, les gouvernements français, allemand, belge et russe manœuvrent pour éviter une nouvelle résolution de l’ONU autorisant explicitement la guerre. Cependant, tous les impérialistes, leurs alliés et leurs larbins ont soutenu la résolution 1441 du Conseil de sécurité, au nom de laquelle le massacre du peuple irakien sera perpétré. Lorsque Bush et Blair décideront qu’il est temps d’en finir avec la farce onusienne d’« inspection des armes », ils déchaîneront leur machine à tuer. Des dizaines et des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sont condamnés à mourir. La Ligue pour la Quatrième Internationale déclare que l’invasion imminente de l’Irak doit être combattue par la mobilisation internationale de la puissance de la classe ouvrière, notamment par des boycotts ouvriers du transport du matériel de guerre et par des grèves ouvrières contre la guerre. Défense de l’Irak – Pour la défaite des impérialistes !

L’enjeu de cette guerre n’est pas simplement l’Irak ou le pétrole, et ce n’est certainement pas une guerre contre le « terrorisme ». Quant aux « armes de destruction massive », ce sont les impérialistes et leurs alliés comme Israël qui ont de vastes arsenaux d’armes nucléaires, chimiques et biologiques, et ils sont prêts à les utiliser. C’est une guerre pour la domination impérialiste de la planète, et les USA ont l’intention d’assurer le « nouvel ordre mondial » proclamé par Bush père il y a une décennie, à la suite de la première guerre du Golfe. Il n’est guère surprenant que les tensions interimpérialistes grimpent en flèche. La France et l’Allemagne ont de moins en moins envie de se subordonner à Washington. Maintenant, une initiative franco-russe, présentée comme une « alternative » à la guerre, appelle à augmenter le nombre des inspecteurs de l’ONU en Irak, et une autre version de résolution circule selon laquelle des milliers de « casques bleus » seraient envoyés. Mais une telle occupation « pacifique » de l’Irak restera une conquête impérialiste de ce pays, camouflée sous la feuille de vigne des Nations unies. 

Le président français Chirac et le chancelier allemand Schröder sont tout simplement opposés à un monopole US sur le partage du butin au Moyen-Orient. A la dernière minute, ils pourraient très bien abandonner leur opposition et envoyer leurs soldats pour obtenir leur part du gâteau. En ce moment même, les paras français sont en Côte d’Ivoire pour tenter de sauver le régime fantoche néocolonial de ce pays – le dernier épisode en date de la longue et sanglante histoire des interventions de l’impérialisme français en Afrique. Pendant qu’il prenait ses distances vis-à-vis de Bush dans son discours du 13 février devant le parlement allemand, Schröder a salué les 10000 soldats allemands qui sont le noyau des forces d’occupation impérialistes en Afghanistan, au Kosovo et en Macédoine. En vérité, les « pacifistes » du SPD et du parti Vert ont assuré la participation allemande dans l’agression impérialiste contre l’ex-Yougoslavie en 1999. 

En dépit de cela, les opportunistes de gauche partout en Europe se sont précipités pour accueillir favorablement ces dernières initiatives « pour la paix ». Ainsi, le journaliste Paul Foot, un porte-parole bien connu du Socialist Workers Party britannique, a salué les réactionnaires bourgeois Chirac et Poutine et leur appel à l’occupation de l’Irak par les soldats impérialistes portant les casques bleus onusiens. « Chirac et Poutine n’étaient pas seuls, même parmi les chefs d’Etat. En Allemagne, en Belgique et en Grèce, pour ne nommer que trois pays européens, le peuple et ses représentants pensent de la même façon », déclare ce soi-disant « socialiste » (Guardian, [Londres], 12 février). Foot déplore seulement « l’absence dans cette coalition hautement modérée et pleine de bon sens du moindre représentant du gouvernement britannique ou même de l’opposition britannique ». Le « peuple », alors, sera en harmonie avec « ses représentants » (le gouvernement capitaliste), d’après ces sociaux-démocrates hautement réformistes ! 

La Ligue pour la Quatrième Internationale a averti dès le début que l’invasion imminente de l’Irak sera le « déclencheur d’une nouvelle guerre mondiale ». Notre déclaration du 17 octobre 2002 titre : « La stratégie de ‘première frappe’ du Pentagone : course folle à une troisième guerre mondiale ». Aujourd’hui, les politiciens bourgeois réactionnaires et « progressistes  » aux USA sont unis pour cogner sur la France et l’Allemagne. Les libéraux du Parti démocrate déclarent: « Sans notre effort militaire, la France, l’Allemagne et la Belgique seraient aujourd’hui des républiques socialistes soviétiques » (New York Times, 13 février). Par contre, leurs confrères français parlent d’un « axe anti-guerre » Paris-Berlin-Moscou (Libération, 11 février). Au lieu de s’allier à un groupe d’impérialistes contre un autre, il faut, pour mettre fin au cycle incessant des guerres impérialistes, balayer le système capitaliste qui l’engendre. Et, alors que les mouvements front-populistes contre la guerre se tournent dans le monde entier vers les politiciens bourgeois, la déclaration de la LQI souligne : « Contre le pacifisme bourgeois, nous, communistes, appelons à la guerre de classe contre la guerre impérialiste. » 

Manifestation anti-guerre à Amsterdam le 15 février. (Foto: indymedia.nl)

Les mobilisations du week-end contre la guerre partout en Europe sont organisées sur la base d’un social-patriotisme antiaméricain, faisant pression sur leurs gouvernements bourgeois respectifs pour qu’ils s’opposent aux projets de guerre de Bush-Blair. L’aria ouvertement pro-impérialiste de Foot n’était nullement une aberration. Regroupés dans le « Forum social européen », ce mélange de « socialistes », de « communistes » et de pseudo-trotskystes déclarait déjà, en septembre de l’année dernière, que « nous avons encore la possibilité d’influencer les gouvernements européens ». En Belgique, des manifestations contre la guerre sont organisées par la coalition « Stop USA », dirigée par le PTB (Parti du travail) stalinien, dont le but est de faire pression sur les impérialistes européens pour qu’ils rompent avec Washington. Comme dans la Première Guerre mondiale, nous voyons les réformistes de toutes sortes s’aligner derrière « leur » propre bourgeoisie. 

Aux Pays-Bas, nous avons un « Platform tegen de ‘nieuwe oorlog’ » (Plate-forme contre la nouvelle guerre) qui appelle le gouvernement néerlandais à arrêter son soutien à cette guerre et qui soutient la « résistance » impérialiste française et allemande à Bush. Plate-forme répand l’illusion que les gouvernements impérialistes peuvent « contribuer aux moyens démocratiques, diplomatiques et pacifiques pour résoudre les conflits internationaux ». Dans le même temps, 370 soldats néerlandais et des unités de missiles Patriotes seront envoyés pour « défendre » la Turquie, et les F-16 néerlandais bombardent la population afghane, dans des raids qui ont fait plus d’une dizaine de victimes civiles rien que cette semaine. 

Les pages de la presse d’« extrême gauche », comme De Socialist publié par les Internationale Socialisten [IS – organisation sœur du SWP britannique], sont pleines de dénonciations de l’impérialisme – principalement l’impérialisme US – et même d’avertissements contre la confiance dans l’ONU, mais tous ces groupes construisent un mouvement « contre la guerre » qui comprend des forces bourgeoises. Les IS peuvent bien dénoncer « Bush-Blair-Balkenende [le premier ministre néerlandais] », leur critère essentiel est : est-ce que Balkenende suit ou non la ligne américaine. Au contraire, pour les marxistes révolutionnaires authentiques, l’ennemi principal est dans leur propre pays ! Les pseudo-trotskystes de l’Offensief ont reproduit le manifeste du 7 février du Comité pour une internationale ouvrière qui donne à Schröder une bonne note pour s’opposer à Bush, mais une mauvaise note pour appliquer l’austérité capitaliste à l’intérieur du pays – comme si ce n’étaient pas les deux côtés de la même médaille pour ce représentant social-démocrate des intérêts du capital allemand. La course à la guerre impérialiste fait partie d’une attaque tous azimuts contre le niveau de vie et les droits démocratiques des travailleurs. 

La Ligue pour la Quatrième Internationale a appelé à l’action ouvrière contre la guerre qui frappe l’Irak, y compris à des grèves ouvrières et à des boycotts du matériel de guerre. Parce que des millions de gens partout dans le monde sont indignés par le massacre imminent, la perspective d’une opposition lutte de classe contre la guerre est bien loin d’être utopique. Les cheminots écossais, qui ont refusé de transporter un train chargé de munitions destinées au Golfe, viennent d’en fournir la preuve. Par contre, la vaste majorité de la gauche cherche à construire une coalition antiguerre front-populiste plus grande, plus réussie, plus « large » – c’est-à-dire qu’elle se tourne vers la bourgeoisie et non pas vers la classe ouvrière. 

Quelques groupes de gauche se prétendent même partisans de l’action ouvrière. Par exemple, le groupe Vonk, la section belge du Comité pour une internationale marxiste de Ted Grant, parle de l’« impact », du « ship-spotting » [la surveillance des transports militaires]. Mais, face au transbordement stratégique du matériel de guerre US par le port d’Anvers, ce que Vonk entend par là, ce sont de petits groupes de militants antiguerre errant dans les docks et non une lutte pour mobiliser la puissance de la classe ouvrière organisée. Ce n’est pas surprenant de la part d’un groupe qui se terre à l’intérieur de la social-démocratie belge ; en réalité, il subordonne l’action à la bonne volonté des bonzes sociaux-démocrates. Dans le même temps, en réponse à des questions posées par des représentants de la LQI, les bureaucrates syndicaux « socialistes » d’Anvers ont expliqué que ces préparatifs pour le massacre impérialiste donnent du boulot aux dockers. En réalité, une lutte pour l’emploi à Anvers, comme à Rotterdam et ailleurs, cela veut dire une lutte de classe à la fois contre la guerre impérialiste et contre les projets de la bourgeoisie de « libéraliser » l’embauche dans les ports. La lutte contre la guerre doit signifier aussi une lutte politique contre les lieutenants ouvriers traîtres de la bourgeoisie. 

Cortège de l’Internationalist Group, section U.S. de la Ligue pour la Quatrième Internationale, dans la manifestation anti-guerre à Washington D.C., le 18 janvier. (Internationalist photo)

Il est important de comprendre que la guerre contre l’Irak est aussi une guerre contre les travailleurs dans tous les pays impérialistes et contre le secteur immigré du prolétariat en particulier. Ce n’est pas seulement Bush qui promulgue des mesures d’Etat policier à l’aide de l’hystérie anti-musulmane. Le réactionnaire bourgeois Chirac aussi bien que le social-démocrate Schröder renforcent la répression policière contre les immigrés et réfugiés. C’est aussi le cas aux Pays-Bas où la politique anti-immigrée, commune à Balkenende et au « socialiste » Bos, est la base de leurs négociations pour rééditer la coalition dite « pourpre » entre démocrates-chrétiens et travaillistes. La lutte pour les pleins droits de citoyenneté pour les immigrés et leurs familles, contre la chasse aux sorcières lancée contre les réfugiés est inséparable de la mobilisation des ouvriers et des opprimés contre la guerre, mais cette question est ignorée par les opportunistes de gauche qui sont tout à leur recherche frénétique d’une alliance avec les forces social-démocrates et bourgeoises « antiguerre ». 

De plus, la politique de collaboration de classes implique l’acceptation du droit que se donnent les impérialistes de faire la police partout dans le monde et, au fond, accepte le mensonge que les impérialistes sont capables d’interventions « humanitaires ». Nous défendons l’Irak, tout comme nous défendons tous les pays coloniaux et semi-coloniaux contre la domination impérialiste, sans donner un atome de soutien politique à Saddam Hussein, le boucher de militants de gauche, d’ouvriers et de Kurdes. Les impérialistes sont la plus grande menace contre les peuples du monde entier, dépassant de très loin les carnages dont sont capables les petits dictateurs à la Hussein ou les intégristes islamiques à la Ben Laden. 

Nous luttons sur une base de classe contre la guerre impérialiste. Nous luttons pour que la classe ouvrière et les masses travailleuses d’Irak renversent Saddam Hussein. Nous luttons pour que les travailleurs partout dans le Proche-Orient renversent leurs dirigeants. En Israël et en Palestine, nous appelons à une révolution arabo-hébraïque et à une fédération socialiste du Proche-Orient. Nous luttons dans le monde entier pour la révolution socialiste internationale. Le seul véritable moyen de combattre le système capitaliste-impérialiste qui produit inéluctablement la guerre, est de construire des partis basés sur le programme de la Révolution bolchevique de 1917. C’est pourquoi nous luttons pour forger des partis trotskystes en Europe, aux Etats-Unis et partout dans le monde. 

– Verbond voor de Vierde Internationale (Ligue pour la Quatrième Internationale) 
15 février  2003